Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
30 janvier 2009 5 30 /01 /janvier /2009 17:31

LE PHARE DES PIERRES NOIRES

           

-L’idée de faire de Brest un grand port transatlantique commence dans les années 1855-60, sous le règne de Napoléon III. En même temps que les projets du nouveau port de commerce naissent sous la plume des ingénieurs, il apparaît nécessaire de rendre l’accès au Goulet plus facile et plus sûr pour les grands voiliers et les vapeurs en établissant des phares sur les plateaux dangereux d’Armen et des Pierres Noires.

La commission des Phares et Balises commence ses études pour les deux sites, le 21 mai 1860. L’histoire longue et mouvementée de la construction d’Armen est racontée, à peine romancée, par Henri Queffelec dans « Un feu s’allume sur la mer ». Moins connue, l’édification d’un phare sur le groupe des Pierres Noires ne fut pas plus aisée.

 

-La commission du 21 mai 1860, présidée par Reynaud directeur des Phares et Balises adopte  la proposition de construction d’un phare équipé d’un feu de 3e ordre, de 10 milles de portée environ et s’élevant à 20 mètres au-dessus du niveau des plus hautes mers. Le phare sera établi sur la roche du Diamant, ou sur tout autre tête de roche en cas de difficultés, il sera servi par deux gardiens. Cette proposition émane de l’amiral Jurien de la Gravière.

 

-Le 13 septembre 1860, l’ingénieur qui vient de visiter la roche du Diamant est très pessimiste, le caillou est difficile d’accès et surtout sa surface n’est pas très conséquente. Il faudra, dit-il, amener des pierres par flottage pour consolider le massif rocheux et le surélever pour pouvoir y travailler. Le massif principal du Diamant ne s’élève qu’à trois mètres au-dessus du niveau des hautes mers, en le dérasant à cette côte on pourrait avoir une plate-forme de onze mètres sur quatorze. Il déconseille l’entreprise à ses supérieurs, leur exposant l’avantage d’un chantier sur la Grande Pierre Noire, à 500 mètres environ dans le nord-est du Diamant, qui est un îlot de soixante-dix mètres sur trente avec dans son nord-est une petite crique d’accostage avec une sorte de cale naturelle. Il n’est pas écouté, on lui rétorque que le Diamant est de toutes les roches du plateau des Pierres Noires, celle dont il importe le plus de signaler la position.

 

25 octobre 1861, une note précise que le Diamant a été désigné par la commission nautique comme occupant la place la plus favorable pour l’établissement d’un feu. La côte nord-ouest de la roche présente une paroi lisse contre laquelle les gabares pourraient se tenir à l’abri, quelques temps plus tard, en février 1862, un plan du phare et un devis sont établis

 

Puis les années défilent et rien ne se passe

 

-Enfin un décret ministériel du 3 mai 1865 autorise la construction d'un phare sur la roche du Diamant. Les travaux du port du port de commerce de Porstrein à Brest  sont en cours, il devient urgent de baliser le plateau des Pierres Noires.

 

-8 juin 1866, un arrêté préfectoral autorise le dépôt de matériel et la construction de cabanes d'ouvriers sur l'île Béniguet, propriété de la famille Launay et tenue en ferme par François Causeur. Un accord est passé entre les propriétaires (mademoiselle Louise Launay au Conquet et monsieur Mazé-Launay, 11 rue de la Rampe à Brest) et leur fermier d’une part et, les Ponts et Chaussées d’autre part, pour une superficie d’un hectare. Sont alors retenus pour la fourniture des matériaux : Michel Prat, maître-carrier à Lanildut pour les pierres de taille et les moëllons de parement et de blocage, Perès, entrepreneur à Brest pour le granit de Kersanton. Les pierres viennent de Brest et de Lampaul-Plouarzel par gabares. (Plus tard une petite cale sera construite dans la grève à Béniguet pour faciliter leur débarquement et une petite voie ferrée sera installée pour faire traverser l’île aux matériaux, la cale existe toujours.)

Les travaux du phare sont rattachés à ceux du port Napoléon, ce qui permet aux Ponts et Chaussées d’utiliser les services du remorqueur à vapeur Porstrein pour amener les barges de travaux au Diamant.

 

-Campagne d'été 1866 du 17 mai au 19 août,  14 débarquements sur la roche pour 66 heures de travaux, piquage et arasement du rocher, réalisation de 30 mètres-cubes de maçonnerie. Les durées de séjour moyennes sur la roche, possibles à mi-marée seulement, ont été de 4 heures ¾, le séjour le plus long de 7 heures. Les jours de mauvais temps ou de forts courants les ouvriers sont employés à la construction de la tourelle "Fornic" (édifiée du 29 juin au 22 juillet 1866).

Une autorisation préfectorale autorise pour les travaux de maçonnerie du phare, l’extraction de pierres des grèves de Béniguet entre la crique de Louediguet et la roche d’Ar Men Alec.

 

-Hiver 1866-Printemps 1867, la roche du  Diamant est presque continuellement inaccessible, les maçonneries sont emportées par les vagues.

 

-Par décision ministérielle du 29 juin 1867: le phare sera construit sur la Grande Pierre Noire, (îlot plus conséquent, 70m X 30m). Le Diamant ne sera signalé que par une tourelle en maçonnerie. Le transfert du chantier est effectif le 3 juillet 1867. Les plans du nouveau phare portent la date du 25 juillet.

 

-31 mai 1868 la base du phare est terminée. Pendant la campagne 1868, la roche a été accostée 83 fois par les hommes et 77 fois par les gabares.

 

-Fin 1869, la tour s'élève à 10 mètres au-dessus des hautes mers.

 

-Fin 1870, pose de la corniche.

 

-28 septembre 1871 la lanterne est en place, les aménagements intérieurs sont presque terminés.

 

-Octobre 1871, printemps 1872, période d'essais, formation des gardiens, finitions intérieures.

 

-A zéro heure le  1er mai 1872, Nicolas Kerfriden, fait jaillir officiellement le premier éclat rouge du nouveau phare des Pierres Noires.

 

 

 

Annonce hydrographique

Océan Atlantique Nord

Feu à éclipses sur les Pierres-Noires (Finistère)

 

Le Ministre des travaux publics porte à la connaissance des navigateurs qu’à partir du 1er mai 1872, on allumera un nouveau feu dans une tour récemment construite sur la grande roche des Pierres Noires, côté nord de l’Iroise, Finistère.

Le feu sera rouge à éclipses se succédant de 10 secondes en 10 secondes;  il sera élevé de 27m50 au-dessus du niveau des plus hautes mers, et, avec une atmosphère claire, on pourra le voir à une distance de 12 milles.

L’appareil d’éclairage sera dioptrique ou à lentilles, et du troisième ordre.

La tour, qui est en maçonnerie, est élevée de 25 mètres au-dessus du sommet de la roche, et sa position est donnée par 48°18’40’’  Nord, 7°15’6’’ Ouest * .

Le phare n’a pas pu être établi sur l’extrémité et l’écueil de la Basse-Roux en est éloigné de 500 mètres environ dans le sud-ouest.

 

* Aujourd’hui les coordonnées géographiques sont  48 18 40 N et 04 54 55 W, le phare n’a pas bougé mais la référence de méridien a été changée.

 

 

Les Kerfriden des Pierres-Noires : Louis Le Cunff, journaliste, poète et écrivain a publié chez André Bonne en 1954 un ouvrage intitulé Feux de Mer, où racontant sa participation à une relève au phare des Pierres Noires à bord de La Helle, il en profite pour évoquer l’histoire familiale des Kerfriden. Georges Kerfriden alors gardien-chef aux Pierres Noires lui sert de guide.
Le chapitre d’une trentaine de pages est dédicacé à Georges et Louis-Eugène Kerfriden, gardiens au phare des Pierres Noires, en souvenir de leur père Eugène Kerfriden et de leur grand-père Nicolas Kerfriden qui veillèrent depuis 1871 sur le feu des Pierres Noires et à tous ceux des tours en mer et des bateaux-feux.

 

Le ravitaillement et la relève des gardiens était assurés à l’origine par des voiliers de pêche, sous contrat avec les Phares et Balises, le premier sloup à moteur assurant le service a été la Reine des Anges dont le patron était Aristide Lucas. Au début du phare, le service se faisait (temps permettant) tous les dix jours, puis seulement tous les quinze, ce que les gardiens déploraient. Le pain moisissait, le beurre devenait rance.  Un nouveau contrat passé avec Aristide Lucas  a fixé les relèves à trois fois par mois, le 2, le 12 et le 22. Mais l’hiver il est arrivé que les mêmes gardiens restent bloqués l’hiver sans vivres frais pendant 20, 25, voire 30 jours. Plus tard ce sont les vedettes des Phares et Balises, La Helle, l’Iroise, la Ouessantine, la Velleda et la Blodwenn qui ont assuré les relèves des gardiens et l’entretien des phares.

 

Evacuation difficile d’un gardien blessé 1939. Annales de la Société Centrale de Sauvetage des Naufragés.

Depuis un an, le canot de sauvetage de la station du Conquet a répondu à six appels de détresse. A trois reprises les 21 mai, 2 juin, et 14 août, il a prêté assistance à des bateaux de pêche en difficultés. Mais c'est surtout le 22 janvier 1939 que le patron Aristide Lucas s'est signalé en affrontant une tempête d'une violence exceptionnelle pour aller au phare des Pierres Noires faire la relève d'un gardien blessé. Les sauveteurs ont dû lutter pendant quatre heures contre une mer démontée, le patron a dû manoeuvrer avec beaucoup de décision et une extrême prudence pour approcher d'un plateau de roches sur lequel brisaient des lames furieuses. Le succès a couronné l'audace des braves marins du Conquet qui font si bon usage du puissant canot à moteurs dont nous avons doté leur station.



         


 







Ci-dessus, accostée au pied du phare en 1952, peut-être la vedette "La Helle" .  
A droite et ci-dessous, transbordements de matériels.


















                                                                                         
                                                                                                                        Un gardien monte au phare (1951-52 ?)


Samedi 18 septembre 1965, un gardien des Pierres Noires emporté par la mer.

 

Commentaire du journal « Le Télégramme » du lundi 20 / « Un drame s’est joué samedi matin au phare des Pierres Noires  où l’un des gardiens a été emporté par les flots après être tombé de la plate-forme. Il s’agit de monsieur Bernard Avril, 29 ans, domicilié à la pointe Saint-Mathieu. Il était 10h55, le second gardien, monsieur Guy Le Berre, chef de quart, originaire du Conquet, s’aperçut tout à coup que son compagnon avait disparu. Bientôt de la passerelle, il le vit dans l’eau au pied du phare. Il se précipita alors pour lui lancer une bouée de sauvetage. Monsieur Avril s’y agrippa durant quelques instants, mais ne parvint pas à se maintenir, car la mer était absolument démontée. Monsieur Le Berre alerta alors Le Conquet-Radio. Peu après les canots de sauvetage  Patron Aristide Lucas  du Conquet et Jean Charcot de Molène prirent la mer pour rechercher le malheureux gardien de phare. Un hélicoptère de la protection civile se rendit également sur les lieux, ainsi que les palangriers douarnenistes Poullandard et Dahut… les recherches furent abandonnées à 16h30, la vedette Iroise des Phares et Balises y avait aussi participé, elle a également effectué la relève au phare des Pierres Noires, ramenant sur le continent monsieur Le Berre… 

Le départ des gardiens.
 
 
Le phare des Pierres Noires a été électrifié en 1984 et automatisé en 1992. Les gardiens ont alors regagné le continent. Monsieur Jakez Riou, dernier à quitter le phare, a évoqué dans diverses circonstances, combien cet abandon lui a été pénible.

                                                                                                                  JPC

Partager cet article
Repost0

commentaires

G
Bonjour.<br /> <br /> J'ai fait quelques remplacements dans ce phare avec le titulaire Jacques Riou. Je n'étais jamais monté dans un phare en mer, ce fut mon premier, en septembre 1986. On avait accosté directement au quai. J'avais dit à Monsieur Riou que c'était facile d'y monter. il m'avait répondu d'attendre la descente à la fin de la semaine ! Ha oui, j'avais compris que ce phare, même s'il n'est pas le pire, était assez particulier !<br /> <br /> Ensuite, j'ai fait le Four avec je ne sais plus quel titulaire. J'ai oublié son nom. Il était sympa mais un peu spécial : fallait manger à midi pile mais pas avant ! J'ai aussi connu son collègue.<br /> <br /> Ensuite la Jument lors d'une des tempêtes de décembre 1986 avec je ne sais plus le nom du titulaire mais je me souviens qu'il avait une vieille Fiat 128 toute rouillée : Ouessant, ça tue les carrosseries des voitures, surtout les Fiat !<br /> Ensuite, j'ai passé le réveillon du nouvel an au Four avec un gardien sympa. Je crois me souvenir de son nom : Kernoa, je crois. C'est son frère qui avait péri au pied du Four quelques années auparavant.<br /> Après, je n'ai plus fait de remplacement, mais j'en garde de trèèèèès bons souvenirs de ce boulot dont j'étais très fier !<br /> Salut.
Répondre
L
Et je suis gardien de phares dont les pierres noires
Répondre
L
Je suis le fils de Guy Le Berre
Répondre
P
bonjour c'est le seul phare que je n'ai pas fait dû au hasard. je fais 2 hivers dans le plus dur Ar men.<br /> michel