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16 juin 2009 2 16 /06 /juin /2009 21:59

SEMAPHORES

Quand on parle aujourd’hui de sémaphore au Conquet, cela fait référence à la "vigie sémaphorique" de la Marine Nationale à la pointe Saint-Mathieu (Plougonvelin).

 

 

Faisons un retour dans le temps.

 

« Sémaphore » est un mot issu du grec ancien qui signifie porteur de signe ou de signal.

 

A l'origine, les sémaphores ont dans la Marine, désigné des mâts plantés sur des points dégagés du littoral, bien visibles de la mer. La combinaison de pavillons hissés aux drisses de ces mâts composait des messages simples, lisibles par les bateaux passant à proximité.

En temps de guerre, les messages « codés » étaient déchiffrables par les seuls navires « amis ». Des boules (globes), pouvaient également être utilisées pour des significations particulières, souvent de dangers. Elles le sont toujours pour annoncer des alertes météorologiques (coups de vent – tempêtes).

 

Saint-Mathieu :

 

A l’époque de la Révolution et de l’Empire, il y avait bien sûr un mât sémaphorique à la pointe Saint-Mathieu

Un gardien déterminé :

Le 24 messidor an 11, le maire du Conquet écrivait au sous-préfet de Brest : «  Je vous annonce citoyen que dans la nuit dernière, environ 20 Anglais sont descendus à terre près les signaux de Saint-Mathieu situés sur la commune de Plougonvelin, et à distance d’une petite lieue du Conquet. Ils ont voulu entrer dans le corps de garde des signaux, sous prétexte de patrouille. Sur le refus formel du gardien, ils ont brisé une fenêtre comptant sans doute entrer par là. Mais le gardien menaçant avec une hache à la main, de couper le col au premier qui entrerait, aucun n’a osé se mettre en but à sa fermeté. Ils ont fini par couper les drisses et drailles du télégraphe et ont emporté les trois globes. »

Le maire du Conquet  en profite pour demander l’octroi de 50 fusils et 1 000 cartouches pour équiper un service de nuit de la garde nationale aux points menacés.

 

 Les Renards :




Cadastre de 1841, plan de situation du mât sémaphorique du Cruguel à la pointe des Renards.




                                                   

A la pointe des Renards, un peu sur la hauteur, au lieu-dit le Cruguel (la butte), se dressait aussi un grand mât, destiné à transmettre des avis aux navires de passage dans le chenal du Four et surtout à informer les convois en attente sur rade du Conquet, sous la protection des batteries côtières, de la présence ou non des vaisseaux anglais en Iroise, faisant le blocus de l’accès à Brest.

 




Ci-dessus : détail de la carte de Beautemps-Beaupré 1816,


Lever de côte de Beautemps-Beaupré 1817





Ce sémaphore du Conquet est signalé sur la carte de Beautemps-Baupré et sur les levers de côtes du même hydrographe. Le sémaphore était servi par un « gardien des signaux » qui logeait dans une maisonnette tout près du mât. Un petit chemin entrecoupé d’escaliers, lui permettait de descendre directement à la source de Portez pour se ravitailler en eau. Lorsqu’il y avait menace anglaise à l’entrée du chenal du Four, un marin de la division des péniches et canonnières gardes-côtes montait la garde au Cruguel, prêt à descendre au port donner l’alerte.


Le socle du mât des signaux est  toujours en place dans le jardin d’une maison particulière de la pointe des Renards.

 

 

Les mâts Dupillon :  

 

L’officier-artilleur Dupillon s’inspirant du système des frères Chappe, fait adopter vers 1805, un mât de sa conception à trois ailes, qui permet de presque tripler les combinaisons possibles de signaux. Ce dispositif complète le mât à pavillon qui reste en place. Sur les tracés de Beautemps-Beaupré, on distingue les ailes du télégraphe Dupillon.

 



Mât Dupillon reconstitué, près de Carteret (Cotentin). Photo JPC





































Les postes électro-sémaphoriques :

 

En 1861, l'Etat prend la décision de construire une ligne de postes électro-sémaphoriques pour remplacer l'ancien système de signaux Chappe devenu obsolète.   44 postes sont édifiés dans le deuxième arrondissement maritime dont Créach'meur, Saint-Mathieu, Les Renards, Corsen, Landunvez…

 

Un électro-sémaphore a en fait deux fonctions : un rôle de communication avec les navires par signaux optiques (mât Dupillon et signaux par pavillons), et un rôle de bureau télégraphique pour la transmission des messages reçus des bateaux et l'acheminement des télégrammes privés déposés au guichet du sémaphore par des usagers « terriens », à destination des bureaux télégraphiques du réseau français.






 

Les guetteurs sémaphoristes utilisaient à l'émission et à la réception vers le réseau général, des appareils "Breguet" à cadrans, ce qui obligeait le premier bureau récepteur de l'administration des Télégraphes à reprendre le texte en « Morse », pour l'acheminer vers sa destination à travers le réseau national. Plus tard (1866) les guetteurs de la Marine se mirent au « Morse » et le service y gagna en souplesse et en rapidité.




 Le sémaphore des Renards, agrandissement d'un détail de carte postale vers 1900-05














Fermeture du poste des Renards :

 

Ouvert en 1862, le poste des Renards sera fermé en 1881, en même temps que Le Minou. mais restera entretenu pour une réouverture éventuelle.

Le rapport d'inspection annuelle de 1895 indique que le mât commercial est toujours en place mais serait à re-haubanner, le reste du gréement avec les parties supérieures de la mâture, plus les roues, ailes, disques et chaînes sont à l'abri à l'intérieur du bâtiment, mais se dégradent. Les huisseries, planchers, toiture de la maison sont à refaire...

 

Le sémaphore mis en vente 5 000 Francs en 1899 est acquis par un nommé Fernand (ou Ferdinand) Ferron qui le transforme  en une coquette maison où il s'installe en 1901.

 



Carte d'Etat-Major de 1907 : X, emplacement de l'ancien sémaphore devenu maison de monsieur Ferron.













L'occupation allemande 1940-44 :

 

L'armée allemande investit Le Conquet le 19 juin 1940, les maisons de la pointe des Renards sont immédiatement réquisitionnées,  dont l'ancien sémaphore devenu "manoir du Cruguel", appartenant à monsieur Keraudy, habitation de 10 pièces et dépendances, close de murs, pour une superficie totale de 25 000 m².

L'installation de DCA, radars, gonios, projecteurs, canons et blockhaus, conduit à partir de 1943 les Allemands à faire table rase de tout point de repère identifiable par  les aviateurs anglais. Fin mars 1943, sur ordre la Feldkommandantur 752, l’ancien sémaphore est détruit à l’explosif.




 Sur cette vue aérienne de qualité médiocre, on distingue bien la forme en T du sémaphore "explosé" par la troupe allemande;














Plan américain dressé lors de la prise du site des Renards par les "Rangers", le 9 septembre 1944.
(J'en reparlerai)

Le sémaphore, quoiqu'en ruine y est figuré en noir au centre.















Pour la suite du sémaphore du Cruguel, voir l'article sur la Radiomaritime (Le Conquet)



Saint-Mathieu :

Le déplacement du sémaphore de Saint-Mathieu :


 


Le poste électro-sémaphorique de Saint-Mathieu. Mât Dupillon et mât des signaux.













Après la fermeture du sémaphore des Renards,  il fallut bien se rendre à l'évidence que le sémaphore de Saint-Mathieu, entre la pointe et les Rospects, n’avait aucune visibilité sur le chenal du Four. Les navires qui s’y engageaient, devaient attendre le travers de Corsen pour communiquer par signaux avec la terre.

La construction d’un nouveau sémaphore à la pointe Saint-Mathieu, avec le visuel sur la mer de l’est-sud-est jusqu’au nord,  maintes fois envisagée, maintes fois remise, fut quand même réalisée. On lit dans le « Courrier du Finistère » du 3 septembre 1904 : « La direction des constructions hydrauliques a chargé monsieur Salaun, entrepreneur à Brest des travaux de construction du nouveau sémaphore de  Saint-Mathieu. On édifie en ce moment les cabanes à outils pour le chantier ».

 

Le nouveau sémaphore, en forme de tour, a été remis à la marine en 1906. L’ancien, loué à un particulier, puis occupé par les services de la météo et enfin par les Allemands, a été rasé en 1985. Sur le site, le bâtiment circulaire en pierres, que l’on prend souvent pour les ruines d’un moulin, était en fait la base d’un radar. (Consulter à ce sujet le livre Littoral d’Iroise, édité par « Phase » :  Plougonvelin, Histoire et Avenir, Souvenirs et Ecoute en 2005).


Le phare de Saint-Mathieu allumé en 1835, et l'abbaye avant la construction du nouveau sémaphore.











Mauvaise photo (carte postale) mais qui montre un mât Dupillon semble-t-il provisoire, avant la construction du nouveau sémaphore.













le nouveau sémaphore en cours de construction 1905














Le sémaphore de Saint-Mathieu terminé, avec son mât Dupillon














Le sémaphore de Saint-Mathieu aujourd'hui (à compléter)

Autres postes électro-sémaphoriques du second Empire.


Sémaphore de Créach-Meur (Plougonvelin) avec le fort Augereau, aujourd'hui disparu













Sémaphore d'Ouessant, le Créac'h ou le Stiff
















Sémaphore de Corsen.
















On remarque sur ces mâts, une aile, la première à partir du toit du bâtiment, prolongée par un disque sombre. Cette aile est fixe, elle indique aux navires en mer "la face parlante du mât". C'est à dire sous quel angle il faut lire les combinaisons de positions des aîles supérieures.


Sémaphore de Molène ( à compléter).


Fin provisoire de rédaction . JPC.

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