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17 juin 2011 5 17 /06 /juin /2011 17:08

 

Le bizlou, bislou ou bilou

(Bil, pluriel Bilou, signifie hauteur ou pointe)

 

La préhistoire

La trace d’habitat dans le secteur du Bilou est fort ancienne puisque remontant au moins au mésolithique  (aux environs de – 8 000 av J.C). C’est Armand Cudennec, voisin du site qui y a repéré (après des pluies, dans le champ labouré voisin de son domicile) les silex taillés. Il en a recueilli de pleines bourriches. Après une identification des pièces par l’archéologue départemental du Finistère, plusieurs années ont passé. Ce n’est qu’en 1999 qu’une prospection de surface et des sondages ont été réalisés par le service régional de l’Archéologie de Bretagne, avant la création d’un lotissement sur le gisement.

En ce qui concerne ce sujet il faut consulter l’article : « Le Mésolithique moyen en Finistère, nouvelles datations pour le groupe de Bertheaume », par Stéphane Blanchet, Olivier Kayser, Grégor Marchand et Estelle Yven. Paru dans le Bulletin de la Société préhistorique française,  2006, tome 103, N°3, p 507-517.

 Accessible via Internet parhttp://www.persee.fr/web

 

Autre trace préhistorique plus récente puisque de l’âge du Bronze :  le coffre funéraire du Bilou, composé de six dalles de micaschiste avec grenats était enfoui dans un tertre très bas, surmontant une carrière voisine du Bilou, avec comme mobilier intérieur des restes d’ossements et des galets de grève.  Démonté et transporté au musée préhistorique finistérien à Penmarc’h il y est toujours est exposé. (Date de la découverte ?)

 

Plus près de nous, le manoir du Bizlou, autre écriture pour Bilou. On trouvera la chronologie des familles ayant possédé le manoir du Bizlou sous l’Ancien régime, dans l’ouvrage d’Yves Lulzac, « Chroniques oubliées des manoirs bretons », Nantes 1994, pages 5 à 12.

Dans le passé de la famille de Kersulguen, les historiens rappellent volontiers ce drame du 29 juin 1718, quand Vincent de Kernatous, propriétaire du manoir du Prédic, avec l’aide efficace du seigneur du Bizlou, écuyer  Hervé de Kersulguen (parfois dit « Henri »), son parent, assassina son locataire, maître François Le Duff, avocat au parlement.

Condamnés à mort par contumace, les deux compères furent pendus en effigie à Saint-Mathieu, on ne les aurait jamais revus. (Archives du Finistère, série 11B).

 

On note dans l’Etat-Civil du Conquet le décès à 53 ans, en 1747 d’écuyer François Corentin de Kersulguen capitaine de Ploumoguer et de Trébabu, seigneur du Bilou, veuf de Marie Thérèse de Kerleau dame du Bilou.

Comme tous les nobliaux du Conquet au XVIIIe, les Kersulguen vivaient de peu, et le manoir fut bientôt réduit à l’état de ferme, loué à des métayers puis vendu.

   A4 BILOU hameau-copie-1

Le cadastre de 1841 nous montre la parcelle 1855 (actuellement en bordure de la rue de La Tour d’Auvergne), comportant une maison et les bâtiments de ferme, appartenant à Jean Martin Leven qui en exploite les terres.

Sur ce même cadastre, on note à proximité : N° 1351, parc ar Milin Avel, le champ du moulin à vent. Moulin dit du « Renar», du « Cruguel », ou parfois du « Bilou ». Et également une mention Ar Mengleus, la carrière, sans doute comblée puisque la parcelle 1357 est référencée « pâture ».

Louis Le Guennec (+1935), en dit seulement : « le petit manoir du Bizlou, autrefois aux Kersulguen, s’appuie sur une tour ronde découronnée ». (Le Finistère Monumental).

 

Pors feunteun , la crique de la fontaine.

 Au temps de la navigation à voile, les capitaines cherchaient sur les côtes des lieux de mouillages faciles, à proximité de sources ou de fontaines vers lesquelles ils pourraient expédier leurs canots avec des matelots chargés de remplir des tonneaux d’eau douce, pour la consommation du bord. Ces « aiguades » ils les répertoriaient soigneusement pour les fréquenter en sûreté, en fonction des vents et des courants.

 FONT-BIL-BLG-copie-1.jpg

La fontaine du lavoir du Bilou, à sec et à demi comblée (juin 2011)

 

On connaît le Feunteun Aod de la pointe du Raz, fontaine de la grève, dont le nom prononcé en français a donné Fontenoy. Le raz de Sein a porté un temps le nom de raz de Fontenoy.

Pors Feunteun a aussi porté le nom de Pors Doun (= profond),  sans doute des bateaux calant peu d’eau pouvaient-ils s’approcher au plus près de la côte.

D’autres points d’eau locaux pouvaient être utilisés par les navires de passage, fontaine de Portez, sources dans l’aber du Conquet (Cosquies), fontaine entre la pointe de Kermorvan et les Blancs-Sablons etc…

La petite plage dite aujourd’hui du Bilou pouvant être un point de débarquement pour l’ennemi en cas de conflit, Vauban décida d’y établir une batterie côtière, dite batterie de Pors Feunteun. Délaissée, puis réhabilitée en 1758, la batterie se composait d’une terrasse d’artillerie, d’un petit corps de garde, d’une poudrière, d’une guérite et d’un four à rougir les boulets.Cette année-là, 4 canons de 18 armaient la batterie, qui était commandée par un enseigne et un aide-canonnier de Marine, les "gens du port" de Brest étaient 3, un garde-magasin complétait le personnel "militaire de carrière", la milice garde-côte se composait d'un capitaine et de 24 canonniers.

BILOU-PLAN-2-blg.JPG

Batterie de Pors-Feunteun, d'après le plan du Génie-1817- Archives de la Marine -  série Z Brest   - 1 : four à rougir les boulets, 2 : corps de garde, 3 : guérite, 4 : terrasse d'artillerie

 

BILOU-PLAN-1817-blg.jpg

Plan du corps de garde, carton du génie, 1817, série Z, archives de la Marine (Brest)

 

Le 2 avril 1793,  sur le procès verbal des commissaires nommés pour la vérification des forts et batteries de la côte, depuis Toulbroc’h jusqu’à et non compris l’Aber-Ildut, on lit : " Port-Feunteun, cette batterie est complètement abandonnée, les pierres des plateformes ont été enlevées…"

1793, 15 juin, des travaux sont commencés : "à Pors-Fontaine où les pièces seront dans peu de jours montées, il n’y a pas de corps de garde, ni de maison à plus de deux portées de fusil. Ou il faut nous envoyer une tente, ou il faut bâtir un corps de garde en planches. Signé Kerbabu.

 

Une maison capable d'accueillir une trentaine de canonniers, avec un magasin à poudre en pignon, a été bâtie peu après, en même temps que celle de Toul al Logot en Plougonvelin.

Il n’est pas dit que la batterie de Pors Feunteun ait jamais eu à tirer un coup de canon, encore moins de lancer des boulets rougis au feu, mais pour un ennemi approchant du Conquet, entre la batterie de Porsliogan et celle des Renards, elle avait un effet dissuasif d’approche.

Comme toutes les petites batteries côtières, elle a été désarmée en 1867, puis à la fin du XIXe vendue par les l’administration des Domaines à des particuliers, comme résidence d’habitation.

maison-bilou-blg.JPG

 

maison-bilou-blg-2.JPG

Je n’ai que de très mauvaises photos du bâtiment bien exposé sur sa pointe. (Quelqu'un a-t-il mieux?)Pendant la guerre 1939-45, considérant qu’il était un repère trop visible pour les avions anglais ou américains venant bombarder Brest, les Allemands l’ont fait sauter à l’explosif. Il était alors dit « maison Tournès ». 

 (Ci-dessous, l'ancienne entrée de l'enceinte de la batterie, cachée sous le lierre. (2011)

LE-BILOU--l-entree-batterie--2011.jpg

Depuis, la lande de ronces, de spern-du (prunelliers), de fougères, ne cesse d’envahir les ruines. Seule la guérite d’origine, qui a été revêtue de ciment, quoique « taguée »,  monte toujours fidèlement la garde.

guerite-blg.jpg

 

 La terrasse d’artillerie au parapet empierré, facile d’accès il y a peu d’années, disparaît aujourd’hui sous la végétation. On en distingue vaguement la courbure depuis la plage du Bilou et de mer.

     pte bilou plateforme artillerie Blg

Carrières :

 

 A4 PORS FEUNTEN blg

La falaise de la crique a été longtemps exploitée comme carrière de pierres plates : les dalles du Conquet. En 1841, la municipalité (Lombard) qui manque toujours autant de ressources pour venir en aide aux nombreux malheureux du Conquet, pense alors à ouvrir de nouvelles carrières de pierres plates (schistes), dans les terrains incultes de Pors Feunteun (Le Bilou) et de Portez qui lui appartiennent. Double but : faire entrer de l’argent pour subvenir aux besoins des pauvres en vendant les pierres aux communes environnantes et fournir du travail aux carriers qui seront payés pour les pierres de 25 cm à 1,25 m, un centime par pièce ou un franc par cent et pour celles de 1,25 m et au-dessus, deux centimes par pièce. On accusera plus tard les carriers d’avoir complètement détruit le relief rocheux naturel prolongeant en mer la pointe Sainte-Barbe  et offrant au Conquet un rempart contre la houle de sud-ouest.  On a vu récemment les dalles de schistes disparaître des trottoirs du Conquet au nom de la modernité.

 

Bilou-zone-de-carrieres-blg.jpg

 

Récolte du goémon

La grève du Bilou était accessible aux charrettes de goémoniers, qui pouvaient venir directement sur le sable avec leurs attelages pour charger le précieux engrais. Pourtant on distingue en haut de falaise un mur empierré qui semble bien avoir supporté une pierre de davied (Voir le chapitre davied sur ce blog)

bilou-mur-davied-blg.jpg

 

 Erosion

Aujourd'hui la grève du Bilou, contournée par le GR34 est une petite plage familiale bien tranquille même si l'érosion due aux infiltrations des pluies dans les failles du schiste et les coups de boutoir des tempêtes provoque régulièrement l'hiver des effondrements de blocs rocheux, au détriment des portions sablonneuses.

 bilou effondrements

 

 (Photos couleur, JPC 2010-2011)                               JPC : juin 2011

 

                                                                                                                                                     

 

 

 

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2 juin 2011 4 02 /06 /juin /2011 10:29

Un animal marin dénommé "l'homme de mer".

 

La scène se passe pendant la guerre de Sept-Ans, (1756-63). Les Anglais une fois de plus menacent les côtes bretonnes que le duc d’Aiguillon s’efforce de mettre en état de défense.

Aux Blancs-Sablons, des troupes campent, en état d’alerte, le Royal-Comtois en fait partie. 

 

Je dois à Jean Chevillotte, historien à Plougonvelin,  cette lettre fort intrigante, recopiée par Mauriès, ancien archiviste de la ville de Brest.

 1763

« Lettre adressée aux auteurs du journal l’Encyclopédique, par un officier du régiment de « Royal Comtois », au sujet d’un monstre marin auquel on donne le nom d’homme de mer.

 

 Messieurs, quoiqu’on ne doive point s’attendre de la part d’un officier qui ne s’est jamais attaché qu’au métier de la guerre, à une description exacte d’un monstre marin telle que monsieur Buffon et autres excellents naturalistes auraient pu en donner, permettez-moi cependant, dans ma manière, de m’exprimer, de vous faire connaître ce monstre. Il suffit que ce que je vais vous apprendre soit vrai. Si j’avais besoin de témoins, je pourrais vous en citer un très grand nombre, mais je ne crois point essuyer avec vous messieurs, le sort qu’eut l’infortunée Cassandre … n’en crut point sur sa parole.

 

Notre régiment cantonné au Conquet, côte de Bretagne, je voulus passer avec quelques camarades au fort de Kermorvan qui est au bord de la mer, sur un rocher qui forme une petite île lorsque la mer remonte et qui en quelque façon est néanmoins séparé du continent par de grosses pierres où les poissons échouent quelquefois quand les eaux se retirent. (Ndlr, il s’agit de l’Ilet)

 

C’est parmi ces pierres que nous trouvâmes hier ce monstre auquel les vieilles gens du pays qui font un métier de la pêche, ne sachant comment le nommer, ont donné le nom d’homme de mer.

 

Le monstre est long de douze pieds de la tête  la queue inclusivement (Ndlr, environ 4 mètres). Toutes ses nageoires auraient la ressemblance avec nos pieds ou nos mains, si les doigts n’en étaient joints ensemble. Il a deux nageoires qui sont placées à la partie antérieure de l’estomac. Elles ont la forme d’une main humaine grande comme celle d’un jeune homme de quinze ans ; on distingue très bien cinq doigts à chacune et chaque doigt a trois phalanges, à l’exception du pouce. La peau de ces espèces de mains est spongieuse et blanche au lieu que celle des autres parties est brune et très unie. Les bras au bout desquels sont ces mains sont tout à fait intérieurs. Le monstre a à chaque flanc une autre espèce de nageoire à laquelle on compte jusqu’à vingt-quatre doigts, et cet espèce de bras auxquels ils sont attachés, répond à l’épaule, si l’on peut s’exprimer ainsi en parlant d’un monstre marin ; les bras sont joints dans toute leur longueur par des peaux assez dures qui laissent entre elles et entre les bras et le corps une grande capacité qui parait destinée à recevoir l’eau par deux ouvertures, dont l’une est sous la nageoire qui est au bout de ce bras ; et l’autre à son issue dans l’intérieur de la bouche… Sa bouche n’a rien d’extraordinaire, on n’a point observé ses viscères.

                                                           Signé De Mengand »

ilet-lermorvan003---Copie.jpg

Le sillon de l'Ilet où fut trouvé "l'homme de mer"

 

Existe-t-il une suite à cette découverte ? de quel animal marin peut-il bien s’agir ? Une variété de grande raie?  Je suis preneur de toute information ou dessin pour compléter cet article

                                            JPC/ juin 2011

 

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13 mai 2011 5 13 /05 /mai /2011 11:01

Dans le cadre de la guerre dite de la Ligue d’Augsburg

Un combat naval à la pointe de Kermorvan, en mai 1694

Cet évènement prend place pendant la guerre de la Ligue d’Augsburg, ou guerre de Neuf Ans  (1689-1697) qui opposa la France de Louis XIV,  alliée aux Turcs (empire Ottoman) et aux partisans irlandais et écossais de Jacques II,  à une coalition où l’on trouvait aux côtés du Saint-Empire Romain Germanique, l’Espagne, les Provinces-Unies, la Savoie, la Suède et bien entendu l’Angleterre de Guillaume III. Cette guerre, la France vaincue, aura son terme au traité de Ryswick en octobre 1697 ;

 

Un convoi s’organise

En ce début de 1694, les Anglais se font très menaçants. Brest n’est pas à l’abri d’une attaque par mer. Depuis le début de la guerre, Vauban s’attache à garnir les côtes de forts, redoutes, batteries, pour s’opposer à un débarquement éventuel de troupes ennemies.

A Brest l’intendant de la Marine, Hubert de Champy, seigneur Desclouzeaux est fort affairé à tenir les navires de Sa Majesté, en état de combattre, et à organiser les convois de navires transportant, armes, munitions, vivres et fournitures diverses entre les différents ports militaires de l’Atlantique et de la Manche.

Dans les premiers jours de mai, un convoi se rassemble à Brest. On y trouve des navires de Sa Majesté, transportant canons, mortiers et bombes pour Saint-Malo et la Normandie, et des barques de commerce chargées de marchandises diverses désirant profiter de l’escorte pour gagner leurs destinations.  Attendant des vents favorables, la flottille vient mouiller sur rade de Camaret. Elle se compose de plusieurs dizaines de navires de types et de tailles diverses, il y a là, quelques frégates légères, des corvettes, galiotes, flûtes, barques diverses et même une tartane.

Le convoi est aux ordres du sieur David, enseigne du port de Brest, embarqué sur le vaisseau Chasseur, commandé par le sieur Camet. Le Chasseur est un bâtiment de 379 tx, construit à Portsmouth en 1665, ayant navigué comme Constant-Warwick sous pavillon anglais, armé par 150 hommes et portant 40 canons. Il a été pris par les Français en juillet 1691. Converti en transport armé, il est chargé pour l’occasion de mortiers et de bombes. Son armement a été réduit à 18 canons et 6 pierriers. Son équipage se compose d’une cinquantaine d’hommes et sans doute une dizaine d’officiers.

David se rend à Saint-Malo prendre le commandement du Yack, une frégate légère de 16 canons.

 

L’intendant Desclouzeaux précise dans un courrier du 10 mai adressé à Pontchartrain, ministre de la Marine, qu’il a bien recommandé à David de faire bon quart, à cause des ennemis qui sont dans la Manche. En outre, les commandants transportant des munitions ont été pourvus de certificats leur ordonnant de mettre le feu à leurs navires et de les couler bas s’ils étaient en situation d’être pris par l’ennemi.

 

Appareillage de Camaret le lundi 18 mai 1694

Le bon vent de sud-sud-ouest au départ favorable à la petite flottille, faiblit et tombe quand les bâtiments arrivent par le travers de Portsall. Les bâtiments mouillent le 18 au soir. Le lendemain mardi, toujours calme plat, impossible de rallier L’Abervrac’h. Le mercredi 20, David donne l’ordre à la flottille de se laisser aller avec le courant et de rallier le mouillage des Blancs-Sablons, sous la protection des batteries de Kermorvan.

   

Retour aux Blancs-Sablons, attaque anglaise

La manœuvre s’exécute sans problèmes, mais le lendemain, jeudi 20, à la pointe du jour, les veilleurs de garde en haut des mâts, aperçoivent trois navires anglais : deux vaisseaux et un brûlot qui descendent le chenal du Four, vent et courant portants.

David donne aussitôt le signal d’appareillage, enjoignant aux capitaines de rentrer au Conquet ou de mouiller à proximité. Lui-même avec le Chasseur assisté d’un bâtiment dunkerquois de vingt canons, commandé par un nommé Baset,  tente de se mettre en travers des Anglais pour protéger la retraite du convoi.

Les Anglais entraînés par le courant viennent s’emmêler dans la flottille en manœuvre et s’emparent sans difficultés d’une flûte et d’une barque chargée de sel. David ordonne aux deux corvettes d’entrer dans Le Conquet, à la tartane Petit Saint-Laurent et à la galiote Catherine chargée de canons et de 800 bombes d’aller s’échouer au plus haut et de se saborder.

 

Le combat naval

Le Chasseur offre alors aux Anglais un combat d’arrière-garde avec son artillerie,  aidé par les batteries des Blancs-Sablons et de l’île de Kermorvan qui tirent sur les vaisseaux anglais nombre de coups de canon. Il soutient au mouillage le duel avec l’ennemi pendant cinq longues heures. Puis dans l’impossibilité de doubler, faute de vent, la pointe du Conquet et sur le point d’être pris, il file son câble par le bout et se fait remorquer par sa chaloupe le plus à terre possible puis il saborde son navire et y met le feu. Il y eut quelques gens tués ou blessés.

  Les Anglais se désintéressent alors de l’épave et se lancent à la poursuite du convoi. Mais ils ont trop tardé et lorsqu’ils sont sur le point de le rejoindre, les barques Petit Saint-Laurent (qui finalement ne s’est pas échouée) et Portefaix, les corvettes l’Ecureuil et la Flessingoise (qui ne sont pas entrées au Conquet) et cinq autres petits bâtiments sont déjà sous la protection du fort de Bertheaume. Le  sieur Desmons, sous-lieutenant d’artillerie lance sur les Anglais 7 bombes. L’une crève en l’air et les morceaux tombent près du premier vaisseau. A la deuxième ou troisième bombe, le bâtiment vire de bord et s’éloigne vent arrière donnant le signal aux deux autres de le suivre. Les trois navires anglais regagnent la haute mer par l’Iroise.

 

Sauvetage d’artillerie et de munitions du Chasseur, renflouement de la Catherine

Dès le lendemain, l’intendant envoie sur place un lieutenant de port, le sieur de Kerguelen pour décider des mesures à prendre concernant l’épave du Chasseur et la Catherine (sabordée mais intacte).  Pendant ce temps, David est arrivé à Brest faire son rapport à Desclouzeaux. L’intendant est très élogieux envers son enseigne : « Tous les gens qui sont revenus de cette flotte, sont très satisfaits du sieur David qui s’est comporté en cette occasion avec valeur et conduite. Il a perdu toutes ses hardes (vêtements), linge, vivres, et généralement tout ce qu’il avait embarqué et même l’ordre du roi pour le commandement du Yack. Le capitaine Camet (ou Canet ?) qui commandait le Chasseur, a eu le même sort. Il a aussi bien fait son devoir en cette occasion. Le sieur David en est très content. »

 

Les jours suivants et particulièrement pendant la grande marée, monsieur de Langeron, messieurs Herpin, David et de Kerguelen font travailler au débarquement de l’artillerie et des bombes du Chasseur dont on a tiré la carcasse soulevée par des futailles, vers une petite baie (Pors-Pabu ?) pour œuvrer plus à l’aise.

La Catherine progressivement vidée de ses canons et bombes, est renflouée, puis ramenée à Brest pour les travaux nécessaires, avant de reprendre rapidement du service.

La récupération de l’artillerie par des ouvriers de port et des matelots qui ont travaillé jours et nuits, s’est faite sous l’autorité du sieur Delafosse, maître-canonnier du port de Brest.

 

Pendant ce temps l’intendant Desclouzeaux a reconstitué un convoi de munitions pour Saint-Malo et Le Havre. Il quitte Brest dans les derniers jours de mai, escorté par la petite frégate l’Ecureuil. A son bord le chef de la flottille, l’enseigne de port David. Ce convoi ira à destination sans problèmes.

 

 J'ai rédigé, il y a plusieurs années ce qui précède, à partir de courriers des registres 1E466/67, archives de la Marine à Brest, « Lettres de Desclouzeaux à la Cour, à monseigneur de Pontchartrain ».

 

Voici deux autres versions françaises, extraites de:

 http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1236193/f240

REVUE MILITAIRE  REDIGEE A L ETAT-MAJOR DE L’ARMEE P.97

 

 Courrier du commissaire Bouridal à monsieur de Barbezieux

 Brest le 21 mai 1694

 Monseigneur,  les bâtiments sur lesquels monsieur Desclouzeaux, intendant de la marine, avait embarqué les canons, mortiers et autres munitions pour Saint-Malo, Granville, La Hougue et Le Havre, ayant trouvé le vent contraire pour entrer dans la Manche, furent obligés de relâcher avant-hier au Conquet où ils mouillèrent.

Hier matin, trois vaisseaux ennemis de 70, 50 et 29 canons entrèrent par le Four avec pavillon français, faisant mine d’aller à Brest. Le commandant du convoi envoya les reconnaître par une corvette qui leur fit le signal qu’ils étaient ennemis. Aussitôt tous les bâtiments coupèrent leurs câbles et mirent à la voile pour se retirer du côté de Brest. Mais les vaisseaux ennemis ne leur en donnèrent pas le temps et obligèrent les plus petits d’entrer dans Le Conquet et les autres de s’échouer ; le commandant du convoi, qui était une flûte armée en guerre, ayant voulu faire l’arrière-garde, fut obligé de s’échouer et de se mouiller (se couler). Les ennemis canonnèrent pendant quelques temps les batteries de la pointe du Conquet, et il y eut quelques matelots qui s’y étaient jetés, qui y furent blessés, et ils ne firent dans leur capture que deux bâtiments chargés de fers. (1)

Cette perte ne serait pas considérable sans le retardement que cela apporte au transport des munitions dans les places que je vous ai ci-devant marqué, puisqu’il faudra relever ces bâtiments qui s’étaient échoués et emplis d’eau, aussi bien que la carcasse de la flûte qui s’est brûlée, dans laquelle on avait mis cinq des canons. L’on me mande du Conquet que tous les capitaines gardes-côtes se sont portés avec beaucoup de diligence dans leurs postes, où ils ont été suivis de quantité de paysans, qui y ont passé toute la nuit, jusqu’à ce qu’ils ont vu les vaisseaux s’éloigner.

                                                             Signé    Bouridal

 

Ndlr, Bouridal, directeur des fortifications, commissaire des guerres à Brest

Ndlr, Barbezieux, Louis François Le Tellier, marquis de Louvois, secrétaire d’Etat à la guerre

 

(1)   Récit de monsieur de Quincy dans son Histoire de Louis le Grand, t3, p77.

La flotte des ennemis, qu’ils avaient dessein d’envoyer dans la Méditerranée, commença à s’assembler à Sainte-Hélène* ; le 27 avril le comte de Damby partit de Plymouth avec six gros vaisseaux anglais et s’y rendit ; il fut suivi du chevalier Rooke avec trente-sept vaisseaux.

-Le 3 mai, il y arriva dix-huit vaisseaux de guerre hollandais, qui furent suivis quelques jours après du reste. Sitôt qu’on en fut averti en Angleterre, le lord Russel, qui devait commander en chef, partit pour s’y rendre. Il mit à la voile le 12 de mai, avec une partie de la flotte anglaise et hollandaise ; mais il fut obligé de relâcher à cause du mauvais temps, à Sainte-Hélène d’où il partit, le 15, prenant la route de l’Ouest. Il avait dessein d’aller à la hauteur de Brest, pour y combattre l’escadre du comte de Chateaurenault et l’empêcher d’aller joindre le maréchal de Tourville en Méditerranée. Mais ayant appris qu’il en était parti, il entreprit de détruire une flotte française, chargée de grains, de vins et d’eau de vie qui était à la rade de Bertheaume. De cinquante-cinq vaisseaux, les ennemis en coulèrent à fond, ou en obligèrent d’échouer vingt-cinq.

(Ndlr) *St. Helen’s road, Portsmouth.

 Comme on peut le remarquer ces deux versions comportent des variantes et des inexactitudes.

 

Une relation anglaise :  

Je dois à un courrier de  Pierre-Yves Decosse, que je remercie.  http://histoiremaritimebretagnenord.jimdo.com/sur-le-pont/

la piste de cette carte accessible par Internet dans les archives du British Museum

 

Une version anglaise illustrée au British Museum

 AFFAIRE-CHASSEUR-BRITISH-MUSEUM.jpg

 Croquis dressé par le capitaine Pickard, relatant l'affaire de la bataille navale du Conquet.

"A prospect of white Bay and Conquet Road sent by capt. Pickard, in which. places the French fleet of merchant ships, consisting of 52 sails with the Jersey Comodore of 52 guns, and 5 small frigotts from 16 to 10 guns, 35 of which were forced ashore amongst the rocks, and there burnt and staved in pieces, by their Ma(jes)ties shipps the Monmouth and Resolution, being detached from the Grand Fleet by Admiral Russell of which number, 4 was laden with bombs, guns, and mortars, and the rest with salt, wine, brandy and naval stores. On the 10th May 1694, and at the same time the Monmouth brought of a pinck and a flyboat laden with salt".

 Traduction : Une vue de la baie des Blancs-Sablons et de la rade du Conquet, envoyée par le capitaine Pickard dans laquelle il place une flotte française de navires marchands, consistant en 52 voiles, avec le Jersey Comodore de 52 canons, et 5 petites frégates de 16 à 10 canons. 35 navires furent contraints, par les vaisseaux de leurs Majestés, Monmouth et Résolution,  à s’échouer dans les rochers et là brûlèrent et furent disloqués. Parmi ces bateaux, 4 étaient chargés de bombes, canons et mortiers, les autres de sel, vin, eau de vie, et de fournitures pour la marine.  Le Monmouth et le Résolution étaient détachés de la Grande Flotte de l’amiral Russell. Selon Pickard, l’action s’est déroulée le 10 mai 1694. Le même jour, le Monmouth a chassé et capturé une pinque (bâtiment de charge gréé à voiles latines) et une barque chargée de sel.

Ndlr -A cette époque l’Angleterre est toujours sous le «calendrier Julien » et le sera jusqu'en 1752, tandis que la France est passée au « calendrier Grégorien » depuis décembre 1582, d’où un décalage de dix jours.

J'ai décomposé le croquis original en tableaux pour la compréhension de l'affaire.

-1A--baie-bs.jpg

8 et 9, vaisseaux anglais. 6, brûlot anglais, ils poussent le convoi à la côte. 

7, vaisseau du convoi : le Chasseur, appelé par Pickard Jersey Comodore  

1-2-3-4-5 Batteries

 2-entree-ct.jpg

5, batterie de Kermorvan.   12, rade et ville du Conquet, une partie du convoi entre dans la ria. 

  3-stmat-bertheaume.jpg

 

14-15-16, chasse et prise de la pinque par le Monmouth selon Pickard 

13, abbaye et batterie de Saint-Mathieu 

17, château de Bertheaume 

 

-Pickard était-il témoin direct? Sans doute ! S’il nomme Jersey Comodore le Chasseur c’est qu’il y a reconnu un ex-vaisseau anglais, mais se trompe sur le nom et lui attribue une puissance de feu bien supérieure à la réalité.

  resolution in a gale[1]

  Le vaisseau anglais Resolution dans la tempête. Par Willem van de Velde, the younger. 1678.

(Source Wikipedia Internet).

 

Quelques semaines plus tard, mi-juin 1694, une flotte anglaise, détachée de l'escadre de Russel est venue attaquer Camaret, le dispositif de défense des abords du Goulet de Brest, mis en place par Vauban a transformé l'agression anglaise en déroute.

  Fin provisoire de l'article, JPC 13 mai 2011

 

                                                 

 

 

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2 mai 2011 1 02 /05 /mai /2011 17:04

L’îlot de Coz-Castel dans les « Glazennou »

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Lors du salon « La Mer en Livres » au Conquet les 30 avril et 1er mai 2011, j’ai été questionné au sujet de petite île « déserte » que l’on peut atteindre à marée basse dans la ria du Conquet légèrement à l’est de l’ancienne usine de Poulconq.

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Coz Castel qui est son nom, signifie en breton Vieux Château, il y a, paraît-il une différence d’époque si l’on se trouve en présence d’un lieu appelé Castel Coz, château vieux. Je laisse aux spécialistes le soin de nous éclairer là-dessus.

Les « glazennou », le mot vient de glazenn = pelouse, gazon, en raison de la végétation verte et rase qui recouvre un plateau de vase durcie, parcouru par des « canyons » étroits et profonds, (il y a encore quelques années de 2 mètres ou plus), s’effondrant et se planifiant régulièrement. Le tout est recouvert à marée haute .

Observons quelques cartes anciennes :

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Carte de Jérôme Bachot 1624, (orientée nord en bas, sud en haut), détail. Le Coz Castel est mentionné sous l’appellation « Isle du Chãu ». Ceci ne permet pas de distinguer si le cartographe signale l’îlot comme appartenant au château de Kerjan plus à l’est, ou comme portant un château. 

 

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Une des cartes de Delavoye, géographe de Louis XIV, dessinée vers 1675. Ici la légende est en français,  Isle du Vieux Châtel, le ruisseau de Kerjan et celui de Trébabu confluent au nord de l’îlot. Le château de Kerjan est dessiné , la pointe de Pen ar Vir (Penver) signalée. Une chaussée portant un moulin à marée barre la sortie de l’étang de Kerjan.

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Plan du port du Conquet – Beautemps-Beaupré 1816, détail. Marée basse, deux ruisseaux sortent de l’étang de Kerjan par le déversoir du moulin, l’un conflue à Pen ar Vir avec celui venant de Trébabu, l’autre les rejoint à l’est immédiat du Coz-Castel, qui est encerclé d’eau.

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Cadastre de 1841, l'îlot n'y est pas, et il n'est toujours pas répertorié sous un numéro de parcelle en 2011.

  

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Carte d'état-major de 1907, les deux ruisseaux confluent au sud de l'îlot de Coz Castel dont l'élévation est notée 7,8 mètres au-dessus du fond, à sec.

 

Les sondages de l’automne 1992, faits dans le cadre d’un inventaire du patrimoine conquétois. Acteurs : Armand Cudennec, colonel d’artillerie en retraite, peintre et archéologue amateur et Jean-Pierre Clochon, administrateur du musée d’Histoire Locale.

Première constatation : l’îlot de Coz Castel n’a jamais été cadastré. Pas plus sur Le Conquet que Ploumoguer ou Trébabu et il ne l’est toujours pas (2011).

Avec l’autorisation du maire du Conquet et l’accord de la direction des services archéologiques départementaux, le défrichement du sommet de la butte a pu s’effectuer. Il s’agissait pour nous de mettre à jour d’éventuelles traces d’occupation et en particulier de découvrir les restes d’une éventuelle construction militaire, genre tour ou petit corps de garde, justifiant le nom de l’îlot.

Le Coz Castel mesure dans son plus grand axe 35 m, pour 28 m dans sa petite largeur (nord-sud). Pour une hauteur au-dessus du sable à marée basse d’environ 7 à 8 mètres.

 

Extraits du rapport d’Armand Cudennec, communiqué au service archéologique départemental.

"La première « découverte » fut celle de l’emplacement d’un four à soude (XIXe ou début XXe), Nous avons rouvert la tranchée en vain, toutes les dalles de parement avaient disparu. Par contre la terre végétale qui comblait partiellement la fosse nous a livré quelques galets de silex comparables à ceux que l’on peut trouver sur l’estran autour de l’îlot.

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Plan général dressé par Armand Cudennec. Les dessins particuliers de détails, sont difficiles à transcrire ici.

 

En décapant la terre végétale un peu plus largement nous avons fait trois constatations :

- 1/ cette terre est truffée de débris d’ardoises dont certains portent un trou de pointe, c’est la première confirmation de la présence sur le site d’une construction ancienne assez soignée. (On nous avait signalé l’existence d’un abri de goémonier sur le Coz Castel entre les deux guerres, mais ces « saisonniers » ne couvraient pas les toits de leurs cabanes d’ardoises).

- 2/ quelques pierres du type moellon reposent sur le sol argileux sous-jacent. Elles fournissent des alignements encore incohérents, compte-tenu de la faible surface prospectée. S’agit-il des soubassements d’une tour qu’évoque le nom de Coz Castel et qui se devine par le sommet bien circulaire de l’îlot, d’un diamètre approximatif de 8 mètres.

- 3/ la terre végétale nous a encore livré des « galets aménagés ». Nous pensons que leur présence dans la couche supérieure est le résultat des terrassements successifs de la tour médiévale et du four à soude. Le gisement se situant vers le centre de l’îlot, à quatre ou cinq mètres au-dessus des hautes marées doit pouvoir exclure tout risque de confusion avec des délestages de bateaux de commerce au temps de la voile.

La similitude de tous ces galets ne peut à notre avis être le simple fait du hasard, d’autant que presque toutes les arêtes sont marquées de micro-fractures de percussion, ainsi que les talons du cortex. En ce cas les silex trouvés précédemment sur l’estran-ouest sont vraisemblablement les témoins d’un sol peu à peu grignoté par la mer. Certains galets de quartzite semblent avoir été aussi aménagés".

(Ndlr, j'ai un cageot d'échantillons divers provenant de ces sondages)

 

A la suite de ce courrier daté du 2 novembre 1992, monsieur Le Goffic, archéologue départemental du Finistère,  venu sur place visiter le site et expertiser les galets de silex a considéré qu’il ne s’agissait que de lest abandonné par des bateaux, donc sans intérêt.

 

Après cette conclusion, nous avons continué quelques temps à dégager ce qui nous paraissait être la base d’une tour, ramassant toujours beaucoup de débris d’ardoises, dont une assez grosse percée d’un trou, et des restes d’un ciment blanc-gris, très grossier confectionné à base de sable coquillier.

 

Si le site avait intéressé les archéologues « professionnels », nous aurions continué à y travailler sous leur contrôle, ou bien ils y auraient ouvert un chantier de fouilles officielles. Comme ce ne fut  pas le cas, contents d’avoir de façon quasi certaine, localisé une petite tour de guet, nous avons laissé la végétation reprendre possession du Coz Castel.

  coz-cast-four.jpg

 L'emplacement du four à goémon dégagé des broussailles. Toutes les dalles de parement fond et côtés avaient disparu.  Dans la terre meuble nous avons trouvé quantité de galets de silex et morceaux de quartz, pour beaucoup paraissant avoir été apprêtés.

Une tour pour quoi faire ?

A mon avis, cette tour ou bien était un poste avancé du château de Kerjan-Mol (peu probable?) ou bien était chargée de surveiller le passage à gué qui existait là entre la rive sud (direction Saint-Mathieu) et la rive nord de la ria du Conquet vers les "Abers". Ou peut-être était-elle  un relais dans un réseau de tours d’observations, situées plus en aval dans la ria, depuis l’ouverture sur le chenal du Four,  destinées à véhiculer par signaux optiques ou sonores l’approche d’ennemis, vers Kerjan et l'intérieur des terres. 

 

Gué ou écluse à poissons?

Entre l'extrémité Est des bâtiments de Poulconq et le Coz Castel, un aménagement de grosses pierres traverse le ruisseau actuel. Est-ce un gué établi par les goémoniers quand ils occupaient l'îlot? mais comme les blocs canalisent le courant en le renforçant on peut penser à un barrage destiné à capturer des poissons à la descendante avec un filet tendu dans la passe étroite? J'aimerais être renseigné.

coz-castel-gue-ou-ecluse.jpg 

 

L'îlot de Coz Castel, est connu aussi au Conquet sous le nom d'île aux Puces, d'île au Trésor... terrain de jeux et d'aventures pour les enfants avant d'être enfoui sous une dense et épineuse végétation. Cet article réveillera peut-être des souvenirs chez certains d'entre vous.

             coz-castel-suite018.jpg                                                             

 Photos couleur, Jpc (1er et 2 mai 2011).  FIN PROVISOIRE DE L'ARTICLE.

  

 

 

 

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22 avril 2011 5 22 /04 /avril /2011 11:21

Le Télégramme du 7 novembre 1946: Le nouveau canot de sauvetage du Conquet en construction au Havre doit s'appeler CHARLES DE GAULLE

 

En fait le nouveau canot du Conquet portera le nom d'un généreux donateur, auteur en 1939 d'un legs important à S.C.S.N : le Docteur Paul Le Dien, et la station du Conquet ne sera opérationnelle qu'au printemps  1948.

La reconstruction de l'abri est due à la générosité de monsieur Longuet, entrepreneur à Viry-Châtillon passionné de courses de hors-bords. Longuet fait venir au Conquet de la main-d'oeuvre prélevée sur ses chantiers parisiens, avance des fonds, et participe de ses deniers au financement du bâtiment et de la cale.

 

Le 12 avril 1948,  le canot Docteur Paul Le Dien fait son entrée au Conquet. Il a pour équipage de convoyage depuis Le Havre: Le Maine pilote de la Marine, Jean Lucas  patron, Goulven Tanguy matelot, Durand-Gasselin inspecteur de la S.C.S.N, et un passager: monsieur Longuet, l'industriel. La traversée s'est effectuée sans problèmes, avec escale à Cherbourg et Roscoff.

Caractéristiques principales :

Construit aux Chantiers Augustin Normand Le Havre

Longueur 13,60 mètres, largeur 3,96 mètres, poids 13,6 tonnes, tirant d'eau 1,12 mètre. Deux moteurs DB3 de 40cv lui assurent une vitesse de 8 nœuds. Son autonomie est de 36h

Une fois l'abri terminé, le nouveau treuil et le nouveau chariot sont mis en place, l'inauguration peut avoir lieu.

 

***... Un mystère, pourquoi le bateau est-il appelé par les Conquétois qui s’en souviennent et par la presse de l’époque Thomas Le Dien.. ??  On peut à la fois, voir sur des photos de journaux, le canot avec son nom bien visible Docteur Paul Le Dien, mais les gros titres et mentions dans les articles ne parlent que du ... Thomas Le Dien.!!!***

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La mention du legs est dans les « Annales du sauvetage » de 1941 : « depuis la dernière Assemblée Générale nous avons perçu à titre de legs ou d’acompte sur les legs : 1 849 896 francs de monsieur Thomas Le Dien, etc… suivent les noms des autres donateurs.

 

Inauguration de l'abri et baptême du canot Docteur Paul Le Dien.

"Il y a seize ans, le 22 août 1932, la Société Centrale de Sauvetage des Naufragés inaugurait au Conquet une de ses plus belles stations et procédait au lancement et au baptême du robuste canot à deux moteurs Nalie Léon Drouin, don généreux de madame Drouin. Nous avons relaté en leurs temps les beaux sauvetages accomplis par ce canot sous le commandement de son vaillant patron Lucas Aristide, mort le 1er novembre 1940.

Qu'il nous suffise de rappeler aujourd'hui sa dernière sortie en cette tragique journée du 18 juin 1940 au cours de laquelle il recueillit 8 hommes de l'aviso Vauquois coulé par une mine sous-marine devant la tourelle la Vinotière. Puis ce furent les sombres années de l'occupation, particulièrement sévères à cette pointe du Finistère.

Le 7 août 1944, à l'aube de la Libération, les Allemands encerclés décident, avant de se constituer prisonniers, de faire sauter la station. Projetés par l'énorme explosion, les débris de la cale et de la maison-abri retombent sur le canot et l'écrasent. Il ne reste plus rien!   Malgré l'immensité des dégâts du même genre qu'elle venait de subir sur tout le littoral, la S.C.S.N considéra que son vaste programme de reconstruction et de rénovation devait porter en priorité sur l'équipement de cette région des abords de Brest, particulièrement dangereuse pour les navigateurs. Dès 1946, les Ponts et Chaussées de Brest chargés de la reconstruction de l'abri et de la cale nous assuraient de leur total appui, en même temps qu'un généreux industriel, monsieur Longuet, nous offrait de participer dans une très forte mesure aux frais de reconstruction de l'abri.

Dès le 12 avril 1948, le nouveau canot ralliait sa base et presqu'au même moment s'achevait la pose du portail de l'abri.

Aussi la journée du 18 juillet allait-elle présenter une solennité toute particulière, car elle ne devait plus seulement marquer la remise en service d'une station sinistrée, mais elle prenait aussi la valeur symbolique d'une renaissance..

Lorsque monseigneur Fauvel, évêque de Quimper et de Léon donna la bénédiction à la nouvelle station, nous avons voulu espérer que son auguste intercession s'étendait aussi à notre “Société” toute entière. Le vice-amiral Lacaze, président de la S.C.S.N, avait délégué pour le représenter le capitaine de frégate Durand-Gasselin, inspecteur de la Société pour la zone finistérienne, qu'entouraient les membres actifs et dévoués de notre comité de sauvetage du Conquet. En quelques mots le commandant Durant-Gasselin rappela l'histoire de la station du Conquet riche en belles actions de sauvetage. Puis il exprima la reconnaissance de la Société aux deux généreux donateurs qui ont si fortement contribué à édifier la nouvelle station:

-feu le docteur Paul Le Dien qui fit avant la guerre un legs magnifique à la Société et dont le nouveau canot porte le nom,

-monsieur André Longuet dont la générosité a permis à la société de faire construire le superbe abri de granit et qui a bien voulu accepter avec madame Longuet de parrainer notre canot.

Enfin le commandant Durand-Gasselin remet le commandement du nouveau canot à son jeune patron Jean Lucas.

Accompagné du chanoine Cadiou, vicaire général et du clergé local, monseigneur Fauvel, après une courte et émouvante allocution descend alors la falaise suivi du cortège officiel et gagne l'abri. Les autorités civiles et militaires montent à bord du Docteur Paul Le Dien. Dans un impressionnant silence,  Son Excellence bénit le canot et son équipage. Le lancement a lieu aussitôt dans les applaudissements de la foule et le chatoiement des fanions qui claquent au vent. Dans leurs barques pavoisées que bénit au passage monseigneur Fauvel, les pêcheurs se découvrent et toute leur flottille fait escorte au Le Dien qui gagne le large. A quelques encâblures de Kermorvan l'évêque jette à la mer la croix  de bois garnie de fleurs en hommage aux marins péris en mer. Le canot retourne au port, un vin d'honneur réunit les autorités à l'hôtel Ste Barbe. Le club nautique offre ensuite aux spectateurs un match de water-polo et une course de hors-bords longuement applaudis. Enfin cette belle journée  se termine par une fête nautique." (Annales de la SCSN)

Composition de l'équipage en 1948:

Patron ......................Jean Lucas, fils d'Aristide

Sous-Patron..............Adrien Lucas

Mécanicien................Hervé Sévezen

Aide-mécanicien........Goulven Tanguy

Canotiers...................Yves Le Gall, Louis Marec, Yves Vaillant, Alexis Vaillant,

                                  Léon Quéré,  Louis Lucas et François Balcon.

Treuillistes..................Jezéquel et Jan

 

Quelques interventions du Docteur Paul Le Dien:

-7 juillet 1949 : recherche des disparus du Petite Soeur Thérèse.

le patron du canot de sauvetage est prévenu à 11h50 que le bateau de pêche Petite Soeur Thérèse vient de couler en baie de Porsliogan à 1/2 mille de la côte.

Louis Marec, patron du Mon Rêve, témoin du drame, venait après des recherches infructueuses de rentrer au Conquet pour donner l'alerte. Les investigations par le canot de sauvetage n'ont rien donné, on déplore deux disparus : Théophile Menguy et son frère Joseph.

Le soir un scaphandrier de Brest opérant à partir de la gabare Paul-Georges retrouve le petit sloup qui est aussitôt renfloué.

Petite Soeur Thérèse: BR5756, construit en 1935 à Carantec, 4,77tx, moteur 5/6cv à essence. L'épave intacte, sera acquise et remise en état par Charles Bernugat. Le naufrage s'était produit voiles hautes.

 

- 9 octobre 1949, sortie pour le Winston Churchill. Rapport du comité local: "Il est 3h30 du matin quand Radio-Conquet prévient monsieur Grovel du comité de sauvetage  qu'un bateau de pêche est en difficulté sur la chaussée de Quéménès. Un quart-d'heure plus tard le canot, patron Jean Lucas, est lancé. Le Dr Paul Le Dien doit affronter une mer dure, vents de suroît avec forts grains. A 4h30 le canot arrive près de la pinasse Winston Churchill de Douarnenez qui a talonné en s'égarant dans le dédale des îles. Le bateau n'a pas de voies d'eau importantes, Adrien Lucas y embarque comme pilote, le canot de sauvetage ouvre la route. Le convoi arrive sans encombre au Conquet, les avaries de la pinasse sont réparées dans la journée, le Winston Churchill appareille alors pour Douarnenez."

 

Rapport de l'inspecteur du service radiotélégraphique du Conquet Radio adressé à la Direction des Services Radioélectriques.

 J'ai l'honneur de porter à votre connaissance l'incident de mer qui a eu lieu dans la nuit du 18 au 19 octobre 1949 : A deux heures du matin (gmt), le chalutier douarneniste Winston-Churchill, sans lancer d'appel "Mayday" ni "Pan", nous signale qu'il se trouve dans les rochers entre Le Conquet et les Pierres Noires, il relève le phare de St Mathieu dans le sud-est 1/4 est et celui de Kermorvan dans le sud-sud-est. Il nous demande d'alerter le bateau de sauvetage ou un autre navire de pêche "pour le tirer de là". Il signale en outre qu'il a une voie d'eau à l'arrière et qu'il est mouillé sur ses ancres, feux allumés.

Nous communiquons tous ces renseignements au préposé du canot de sauvetage du Conquet par téléphone. Le Winston-Churchill ne peut se dégager seul mais ne se trouve pas en danger immédiat.

L'appel du chalutier a été effectué sur 1650kcs, passons sur 1850kcs et conservons le contact.

A 3h05 (gmt), le canot de sauvetage approche du chalutier en difficulté mais doit faire un détour pour éviter les récifs. Le Winston-Churchill aperçoit le canot de sauvetage et nous informe qu'il a six brasses d'eau sous le bateau et qu'il étale sa voie d'eau avec sa pompe mécanique et qu'il lui reste encore sa pompe à bras qui débite quatre tonnes d'eau à l'heure, en cas de besoin.

A 3h40 (gmt) le Winston-Churchill nous avise que le canot de sauvetage va l'accoster pour lui mettre quelqu'un à bord afin de le guider hors des roches.

A 4h37 (gmt) le Winston-Churchill et le canot de sauvetage arrivent sur rade du Conquet.

 

-Sortie du Dr Paul Le Dien  à la recherche des disparus du Mathieu-Bihen, accident de mer déjà relaté dans ce blog.

-Echouage du "Castor" à Béniguet le 10 mai 1950, (longue) relation d’accident de mer traitée à part.

-18 décembre 1952, sortie pour le Régina Coeli (pas de détails)

-13/14 avril 1953, sortie pour le Taboga.

Le pilote vient d'en débarquer à la hauteur du Minou, il est environ 21h30 ce 13 avril 1953 quand le vieux vapeur panaméen Taboga quittant Brest s'éloigne vers la haute mer. Faisant route de Bilbao sur Rotterdam avec du minerai de fer, le bateau a relâché à Brest pour compléter ses soutes par 70 tonnes de charbon de chauffe, de quoi finir son voyage jusqu'en Hollande. La mer est belle, la visibilité bonne, rien ne semble devoir perturber la bonne marche du cargo. Pourtant, une demi-heure plus tard l'opérateur de veille à Radio-Conquet reçoit en morse: S.O.S de HPXI, s/s Taboga aground 4 miles WSW St Mathieu point request immediate assistance... (4819N 0450W)

La station radio accuse réception puis avise l'Inscription Maritime à Brest. L'administrateur fait sortir les canots de Molène et du Conquet. La Préfecture Maritime également prévenue, fait pousser les feux de l'Imbattable mais en précisant que ce remorqueur ne pourra pas appareiller de l'arsenal avant au moins 4 heures. Le remorqueur Abeille 26 qui assure habituellement le sauvetage en mer à partir de Brest est absent, en mission du côté de Nantes.

Pendant ce temps à bord du Taboga, le capitaine Koël ne reste pas inactif. Son bateau s'est planté à basse-mer près des Bossemen, le flot est en train de le soulever, bientôt le Taboga flotte à nouveau. Koël fait son télégraphiste annuler la demande d'assistance ... un peu prématurément! La mer en effet est bien montée autour du bateau mais aussi dedans, des rivets de la coque ont sauté, les voies d'eau sont importantes, la salle des machines est bientôt inondée, les chaudières explosent, sans faire de blessés heureusement. le 14 avril 1h20 nouvel appel de détresse S.O.S de HPXI…  we are sinking .. we request urgently lifeboat...

 Le canot Dr Paul Le Dien aux ordres de Jean Lucas n'étant pas équipé de radiotéléphonie est arrivé à proximité du vapeur mais ne sait pas ce qui se passe. C'est aux gestes et aux cris de l'équipage que les Conquétois comprennent que l'évacuation est imminente. Bientôt le canot de sauvetage est envahi par une population cosmopolite: 16 Estoniens, 5 Espagnols, 1 Allemand, le capitaine Koël, son épouse et une autre dame, épouse d'un marin du bord sans doute. A 2h du matin les naufragés débarquent au Conquet, certains ont avec eux leurs bagages. Peu attachés au vieux rafiot, les marins du Taboga vont mener toute la nuit une joyeuse fête au son d'un accordéon.

Pendant ce temps le canot de sauvetage avait repris la mer avec à son bord le capitaine Koël et son radio. Le Taboga n'était pas pressé de couler, le flot le portait tranquillement vers le nord, il était passé devant Le Conquet et maintenant musardait dans les Blancs-Sablons suivi par le canot. La vieille coque s'enfonçait cependant de plus en plus. Le Taboga finit par disparaitre à 1 mille au suroit de Corsen.

 On a raconté au Conquet beaucoup de chose à propos du vapeur panaméen : bateau vétuste accomplissant son dernier voyage avant la démolition, assuré au-delà de sa valeur et coulé volontairement pour toucher la prime d'assurance... l'enquête nautique et le procès n'évoquent pas cette éventualité, Koël est reconnu coupable de ne pas avoir suivi la route indiquée par le pilote et d'avoir confondu les feux de Basse-Royale et des Pierres Noires. Consulté, Jean Lucas confirmera qu'il n'a pas vu non plus Basse-Royale dont l'éclat du feu est réputé trop faible.

Le tribunal reconnait au capitaine qu'il a fait son possible pour déséchouer son navire mais retient contre lui des négligences graves en matière de navigation et le condamne à trois mois de prison avec sursis et 30 000F d'amende. L'officier de quart qui n'a pas cherché à contrôler les feux écope de 15 000F d'amende avec sursis.

  ledien-taboga.jpg

Photo parue dans Le Télégramme, en illustration de l'article sur le naufrage du Taboga.

  

Le vieux Taboga ne reposera pas longtemps en paix, dès le mois de juillet 1953, monsieur Le Dot, scaphandrier à Lampaul-Plouarzel concessionnaire de l'épave,  travaillait à la récupération des métaux non ferreux et de certaines pièces de la machine. Démantelé à l'explosif, le vapeur est toujours balisé par une bouée de danger isolé et fréquenté comme base à lieus.

 

QUELQUES AUTRES INTERVENTIONS DU LE DIEN

5 mai    1953,  sortie pour La Perle

2 août   1953,  sortie pour le dundee Lotus

19 sept 1953,  sortie pour le yacht Sky

6 mars  1954,  sortie pour le yacht Saphir

23 juin  1954,  sortie pour la gabare Fleur de l'Odet.

ledien-groupe.jpg 

A bord du Docteur Paul Le Dien, l'été 1953.

Premier plan : Hervé Sévezen, Adrien Lucas (patron).

Deuxième plan, Yves Le Gall, Alexis Vaillant, Jean Larsonneur.

On distingue à droite la mâture du "Dom Michel" bateau de procession, de sortie pour les bénédictions de la mer.

 

Une erreur tenace.

Voici ce que j’écrivais habituellement à la fin d’articles sur ce canot conquétois : « Après la dernière sortie de sauvetage du 23 juin 1954, la SCSN prit la décision d’envoyer le Docteur Paul Le Dien aux Sables d’Olonne, il y est toujours.  En 1979 ou 80, après de longues années de service, il est refondu. Ses deux moteurs DK2 de 40ch sont remplacés par deux RC 140D de 140ch.

Retiré du service, le canot Dr Paul Le Dien tourne le dos à la mer, installé dans un jardin public, près de la capitainerie du port de la Chaume. Eh bien c’est inexact !

 

La correction suivante vient d’une récente correspondance par mail avec monsieur Philippe Schlewitz (http://lesnaviresdevendee.forumactif.net/).

Le canot de sauvetage Docteur Paul Le Dien, AND 166, arrivé aux Sables d’Olonne le 1er décembre 1954 a servi pendant 13 ans dans cette station. Il a été remplacé en mai 1967 par un canot venant de Port-Joinville (île d’Yeu), le Patron Noé Devaud AND 172, qui a été débaptisé et renommé Docteur Paul Le Dien. C’est lui qui, désarmé en 1984,  se trouve exposé près de la capitainerie de Port-Olona aux Sables d’Olonne ! (Photo Jpc, ci-dessous).

  Dr-Paul-Le-Dien-N-2.jpg

Le transfert de nom d’un bateau à un autre est bien souvent source de confusion. (Ceci n’est pas une excuse pour mon erreur).

 

Je rajouterai ultérieurement quelques illustrations complémentaires, mais je ne possède aucune photo ou carte postale représentant le canot Docteur Paul Le Dien au Conquet, hormis celles présentées plus haut,

Donc si des lecteurs de ce blog peuvent compléter cet article, merci d'avance.

                                                                                                                                                   JPC 22 avril 2011.

 

De nouvelles précisions viennent de m'être fournies par Jean Michel Péault, patron suppléant du canot tous temps SNS084 et responsable du musée de la pêche et du sauvetage de l'île d'Yeu, je l'en remercie.

 

Le canot AND 166 Docteur Paul Le Dien du Conquet a rallié Les Sables d'Olonne en 1954 et y est resté en service jusqu'en 1979. Désarmé pour vétusté, il a pris  le nom de Patron Israël Chevrier 2. Vendu par les Domaines, il a servi d'embarcation ostréicole jusqu'en 1985 à Nieul-sur-Mer (17)

 

Le canot de la photo, Docteur Paul Le Dien, deuxième du nom,  AND172, est l'ancien  Patron Noé Devaud 1 de l'île d'Yeu,1953-1973, devenu Patron Israël Chevrier à Saint-Gilles Croix de Vie 1973-1979 avant de rallier Les Sables d'Olonne comme il est dit plus haut.

 

                                                                                JPC 22 février 2012.

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19 avril 2011 2 19 /04 /avril /2011 10:01

Le naufrage aux Pierres Noires du Magnificent

 

Depuis la reprise des hostilités avec les Anglais, des escadres britanniques, fortes de quelques vaisseaux se relaient en Iroise pour contrarier les sorties et les entrées des navires de guerre du port de Brest et empêcher le passage des convois de ravitaillement.

 

Incursions anglaises :

Les Anglais, proches de  la côte et des îles, profitent de toutes les occasions pour envoyer des chaloupes à terre, causer des dégâts ou se ravitailler. A Saint-Mathieu par exemple, le 23 messidor an XI, ils essayent de rentrer dans le poste des signaux. Le gardien armé d’une hache met la petite troupe ennemie en déroute. Elle s’enfuit après avoir commis quelques avaries au mât du télégraphe.  Le 18 brumaire an XIV, une lettre du maire du Conquet à monsieur de Caffareli, préfet maritime, nous renseigne sur le préjudice subi par le fermier de Beniguet.  En résumé : « le sieur Corric (bourgeois et armateur conquétois), propriétaire de l’île de Béniguet, par bail du 12 prairial an X, la loua pour 6 ans à René Bergot, moyennant une somme annuelle de 100 francs, payable d’avance à compter du 8 vendémiaire an XI.

Le dit Bergot s’étant transporté dans cette île avec une nombreuse famille en bas-âge, y fit bâtir un logement, s’occupa ensuite de défricher la terre, avec beaucoup de peine et de dépense. Au début de l’an XII, époque où la guerre était survenue avec les Anglais, ceux-ci commencèrent à fréquenter cette île pour y puiser de l’eau.  Comme  cette fréquentation donnait quelque inquiétude aux chefs militaires, en station au Conquet, il fut forcé d’en abandonner la culture, sans même pourvoir enlever ses meubles… Pour comble de malheur, les Anglais ont ensuite incendié son habitation, enlevé les choux et les panais qu’il avait en terre. »

Pour le malheureux Bergot revenu malgré lui sur le continent, et sa pauvre famille dans la misère, le maire du Conquet demande une indemnité au gouvernement.

 

La perte du Magnificent

Dans ce cadre du début de l’an XII, à la fin du Consulat, se place l’évènement suivant : Napoléon Bonaparte est à quelques semaines du « senatus-consulte » du 18 mai 1804, qui va le proclamer « Empereur des Français ».

 

Le Magnificent  était un vaisseau anglais de 74 canons, classe Ramillies, construit en 1767 à Depford (U.K), d’environ 1 600 tonneaux, pour une longueur de 51 mètres, portant un équipage de 600 hommes. Refondu entre 1798 et 1800, il assurait au mois de mars 1804 (germinal an XII), avec trois autres vaisseaux, le blocus de Brest, pour empêcher les convois de munitions et de vivres d’entrer et de sortir du grand port du Ponant.

 

Le capitaine anglais Williams H. Jervis, qui devait un peu s’ennuyer à tirer des bords en Iroise, aperçut en se rapprochant de la côte, un convoi réfugié sur rade du Conquet, attendant un moment favorable pour se glisser jusqu’à Saint-Mathieu et de là,  longer la côte afin d’aller se mettre sous la protection des batteries de Bertheaume avant de gagner Brest. Ce groupe de navires venant du nord,  était composé d’un certain nombre de bâtiments marchands, escortés par trois canonnières de l’Etat, et la flûte la Salmonde, armée en guerre.

 

Dans la nuit du 24 mars, Jervis se décida à remonter le chenal du Four pour attaquer le convoi français, mais un fort courant défavorable et un mauvais temps menaçant, le contraignirent à faire demi-tour. Affronté à des vents d’ouest violents, le commandant du Magnificent essaya de contourner les roches extérieures des Pierres Noires (trying to get round the outermost of the Black Stones), mais son navire heurta un récif non mentionnée sur sa carte. Le vaisseau naufragea en peu de temps.

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BHC0534, Loss of the Magnificent, 25 mars 1804. National Maritime Museum. Greenwich.

Oeuvre de John Christian Schetky.

 

Selon un rapport anglais, des embarcations de l’escadre britannique se précipitèrent aussitôt au secours du Magnificent et les 600 hommes du bord furent tous sauvés, les malades et les estropiés en premier, puis les marins et les officiers et enfin, comme il convient dans les naufrages, le capitaine William H. Jervis, dont on rapporte qu’il a perdu 1 500 livres sterling dans l’accident. (Convoqué plus tard devant la cour martiale de l’Amirauté britannique, il ne reçut aucun blâme).

 

La version française diffère.

Dans un courrier adressé au sous-préfet à Brest, au préfet à Quimper et au préfet maritime à l’Amirauté, le maire du Conquet écrit le 5 germinal an XII, « l’un des vaisseaux ennemis fit hier, environ neuf heures du matin naufrage sur des rochers à deux lieues de notre port, par des vents d’ouest devenus forts. Tout l’équipage ne put se rendre à bord des autres vaisseaux, de façon à ce qu’une partie fut obligée de se réfugier à la dite île de Béniguet, distante d’une lieue du Conquet.

Les autorités civiles et militaires ayant eu connaissance de leur refuge, le commandant du Conquet envoya une dépêche à Brest pour avoir des ordres afin de se rendre sur la dite île.

Le général major étant arrivé ce matin, il a de suite fait passer de la troupe  qui a fait soixante-neuf anglais prisonniers, qui ont été amenés au Conquet.

Les bâtiments du convoi qui étaient ici en relâche ont pu par cet embarras de l’ennemi, les vents étant devenus favorables, se rendre à Brest. Ils étaient chargés de grains et de bois de construction ».

Et le maire en profite pour réclamer une fois de plus une digue pour la protection du port du Conquet.

 

Il semblerait que tous les marins naufragés anglais n’ont pas été capturés par cette expédition militaire, puisque le 15 germinal, soit une douzaine de jours plus tard, le préposé à l’Inscription Maritime, Bienaimé Labbé de Blanchard organise avec cinq marins une descente à Béniguet où il fait prisonniers 16 marins rescapés d’un vaisseau anglais naufragé. Ce dernier ne peut être que le Magnificent. Pour leur action, Labbé et ses hommes ont reçu du gouvernement une gratification de 125 francs.

 

On peut quand même s'étonner que ce drame n'ait occasionné aucune victime. Mais si cela fut, tant mieux.

 

Sources: National Maritime Museum Greenwich UK,    http://www.nmm.ac.uk/collections

                  Archives Municipales, Le Conquet.

 

                                                                                  JPC Avril 2011.

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12 avril 2011 2 12 /04 /avril /2011 21:17

J'ai déjà eu l'occasion de mentionner dans un article le vapeur  "Travailleur", navire à passagers, remorqueur occasionnel et successeur de la "Louise"  comme vapeur postal régulier entre Le Conquet, Molène et Ouessant.

Le Travailleur, construit à Brest en 1883 a appartenu à différents armateurs : Pennors, puis Peugeot et Cie et à partir de 1896 à la S.A des Vapeurs Brestois. Jauge 32 tx, machine de 45 cv à l'origine, remplacée par une plus puissante de 183 cv. Nombre de passagers autorisés : 250 en rade de Brest, 150 en mer. Le Travailleur a fini sa carrière en 1921.

  

  La mésaventure décrite ici est une compilation de différents articles du journal "Ouest-Eclair", ancêtre de "Ouest-France" dont la rédaction a mis en ligne sur Internet, les copies numérisées, pour le plus grand bonheur des chercheurs et historiens,

 

1/ Une excursion mouvementée à bord du Travailleur

 Ouest-Eclair du  mardi 15 juin 1909

Un vapeur échoué

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Le vapeur Travailleur un jour d'été à la cale du Fret en rade de Brest ( cp coll Jpc)

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Le Travailleur à Quélern en rade de Brest

 

  La Compagnie des Vapeurs Brestois qui organise tous les dimanches des excursions en mer, avait désigné le vapeur Travailleur qui fait actuellement le service régulier entre Ouessant et Le Conquet pour se rendre à l’île de Sein.

Le Travailleur était parti le matin avec 57 passagers et aucun incident n’était venu troubler la traversée. La journée avait été splendide, la mer aussi calme qu’elle peut l’être dans ces parages dangereux, et à 4 heures de l’après-midi, les passagers s’étaient tous embarqués à la cale de l’île pour regagner Brest.

Le pilote était monté à bord pour aider le navire à sortir des récifs qui forment une couronne autour de l’île, et une fois que le Travailleur se trouva à un mille au large, le pilote regagna son bateau et rejoignit la terre. Le capitaine venait de prendre la barre du gouvernail lorsque soudain, deux secousses violentes se firent sentir. Le navire venait de s’échouer sur une roche, et sa coque avait une large déchirure par laquelle l’eau entrait en abondance. La mer baissait en ce moment et il ne fallait pas songer à déséchouer le navire.

La situation était plutôt critique, et lorsque le capitaine ordonna de mettre les deux canots à la mer, un commencement de panique s’empara des passagers ;  tous se précipitèrent sur les deux embarcations, voulant de force y embarquer, et il fallut tout le sang-froid de quelques personnes présentes pour empêcher qu’une catastrophe se produisit.

On résolut de faire embarquer d’abord les femmes et les enfants ; dans la précipitation du moment un de ces derniers tomba à la mer, mais fut aussitôt sauvé par monsieur Malteste, chirurgien dentiste à Brest.

Du reste ce moment d’affolement fut de courte durée et les passagers comprirent bien vite qu’il n’y avait pas de péril imminent : le vapeur avait fait fonctionner sa sirène et les bateaux de l’île de Sein ayant entendu cet appel, accouraient tous au secours du Travailleur.

Quelques passagers embarquèrent sur des bateaux qui les conduisirent à Audierne, d’autre prirent place dans le sloup Mouate ( ? peut-être la Mouette des Ponts-et-Chaussées ?), qui s’engagea à les conduire à Brest ; enfin les derniers retournèrent à l’île de Sein, et attendirent les secours qui ne pouvaient pas tarder à arriver.  En effet, le sémaphore signalait l’accident qui venait de se produire, à la fois à la Préfecture Maritime et à la Compagnie des Vapeurs Brestois. Cette dernière envoyait immédiatement un autre de ses navires, le Cotentin, pour ramener les passagers.

  semaphore-du-raz.jpg

Le sémaphore du raz de Sein qui signala l'accident aux autorités et à l'armement (Cp coll Jpc)

 

Pour comble de malheur, une brume intense s’éleva dans la nuit, aux alentours de l’île, et ce ne fut qu’hier matin, vers cinq heures, que le Cotentin put enfin aborder. Il prit aussitôt les voyageurs qui étaient restés sur le Travailleur, au nombre d’une trentaine, et les ramena à Brest hier à dix heures.

Quand au Travailleur qui, à la marée montante, vers huit heures du soir, avait pu se déséchouer par ses propres moyens, il a réussi à rentrer à Brest dans la nuit et va entrer en réparations, ses avaries étant graves. Finalement, tout accident a pu être évité, mais les promeneurs ont plutôt gardé un mauvais souvenir de cette journée et de cette nuit passée en mer à la belle étoile.

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Le Travailleur, de face bord à quai, et le Cotentin à couple,  au port de commerce à Brest (Cp coll Jpc)

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Le Cotentin ici sur rade d'Ouessant, Cp coll Jpc

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Ouest-Eclair du 23 novembre 1909

L’accident du Travailleur, les suites judiciaires

On se rappelle l’accident survenu cet été au Travailleur. Le navire était parti de Brest le 13 juin au matin avec une soixantaine de passagers, parmi lesquels le capitaine de vaisseau Jaurès commandant le Gloire, pour une excursion à l’île de Sein … Un rapport sur cette affaire fut adressé au ministre de la Marine, qui, après avoir pris l’avis de la Commission des Naufrages, vient de prendre les décisions suivantes.  La responsabilité de la Compagnie est complètement mise hors de cause. Le capitaine au cabotage S. inscrit au Conquet, qui commandait le Travailleur est reconnu coupable d’avoir abandonné la barre du gouvernail, alors que le navire se trouvait dans une zone dangereuse. Pour ce fait il est renvoyé devant un tribunal maritime commercial qui siégera à Brest le 2 décembre prochain, sous la présidence de monsieur Cadiou, administrateur de l’Inscription Maritime. Le pilote C. de l’île de Molène est également reconnu coupable d’avoir débarqué trop tôt du navire et de l’avoir quitté alors qu’il se trouvait encore dans la zone de pilotage. Conformément à la loi de 1806, le pilote est renvoyé devant le tribunal correctionnel de Quimper.

 

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Un bateau pilote le S.4, grand-voile et flèche hissés dans le port de l'île de Sein (Cp coll Jpc)

 

Une violente tempête secoue les côtes du Finistère, fin novembre et début décembre 1909

  Ouest-Eclair du 6 décembre 1909

Le ravitaillement des îles

Le vent s’est un peu calmé dans la journée d’hier, mais les averses de grêle ont continué à tomber…

Depuis le 27 novembre, le vapeur Travailleur qui fait le service postal entre Ouessant et Le Conquet, n’a pu sortir de ce dernier port. On est sans inquiétude au sujet d’Ouessant où se trouvent en réserve de nombreuses provisions de vivres, mais il n’en est pas de même de l’île Molène  - où le vapeur fait escale à chaque voyage – et où l’on craint que les habitants ne souffrent de la faim si l’on ne peut bientôt aller à leur secours.

  (Durant cette période, le capitaine Louis S. est resté bloqué à son domicile d’Ouessant, son procès a dû être retardé de quelques jours).

  

Ouest-Eclair du 8 décembre 1909

L’affaire du Travailleur, Condamnation du capitaine

Le tribunal maritime commercial s’est réuni hier après-midi sous la présidence de monsieur Cadiou, administrateur de l’Inscription maritime pour juger le capitaine au cabotage Louis S.

âgé de 30 ans, originaire de l’île d’Ouessant, inscrit au Conquet…

Le capitaine S. ne connaissant qu’imparfaitement les parages de l’île de Sein qui, comme on le sait, sont fort dangereux, la Compagnie lui donna l’ordre de prendre un pilote qui devait rentrer et sortir le navire. L’ordre fut ponctuellement exécuté. Le pilote C. prit le bateau au large pour le faire rentrer à l’île, où il arriva sans incidents à onze heures du matin.

A quatre heures, le navire se disposait à partir pour rentrer à Brest. Le temps était beau et la mer très calme. Confiants dans la sécurité que paraissait offrir la traversée, le capitaine et le pilote avaient un peu trop fêté leur rencontre, et d’après tous les témoignages des passagers, se trouvaient en état voisin de l’ivresse au moment du départ.

A environ un mille de l’île, alors que l’on se trouvait encore dans des passages dangereux, le pilote voulut descendre dans son bateau pour regagner l’île ; le capitaine quitta la barre pur aller faire ses adieux à son compagnon. A ce moment le navire talonna et vint s’échouer sur une roche.

Il y eut un moment d’affolement. Les passagers se précipitèrent dans les canots du bord que l’on mit à la mer, et ce ne fut que grâce à quelques officiers de Marine qui se trouvaient parmi les passagers que la panique fut enrayée. Le capitaine avoue lui-même à l’audience qu’il avait perdu la tête et que l’ordre de « machine en avant » qu’il donna à ce moment était absolument contraire à la manœuvre qu’il y avait lieu d’effectuer.

On lit les dépositions de messieurs Bodet, notaire à Brest, Simonnet, ingénieur civil, Jaurès, capitaine de vaisseau (frère de l’homme politique Jean Jaurès- ndlr), toutes sont conformes ; du reste le capitaine reconnaît parfaitement l’accusation d’ivresse qui lui est reprochée.

De très bons renseignements sont fournis sur son compte, aussi le président s’efforce de démontrer à l’inculpé dans quel cas grave il s’est mis alors qu’il avait charge de vies humaines, et qu’il se trouvait dans des parages réputés pour être excessivement dangereux. Du reste si le temps avait été mauvais, il est probable que c’est une catastrophe que l’on aurait eu à enregistrer.

Le capitaine S. dont l’attitude à l’audience est excellente demande l’indulgence de ses juges et déclare regretter ce qui s’est passé.

Après une courte délibération le tribunal condamne le capitaine de commerce S. à trois mois de prison et à six mois de suspension de commandement. Toutefois, en raison des bons antécédents de l’accusé, le tribunal lui accorde pour la prison, l’application de la loi de sursis.

Je ne sais pas pour le moment le sort qui fut réservé au pilote C.  Jpc avril 2011.

 

 

2 / Un voyage du Conquet à Molène à bord du Travailleur en 1910

 

Le n°2 de la Bretagne Touristique, daté du 15 mai 1922 propose un article de Charles Le Goffic  : « Une excursion à Molène ». En voici quelques morceaux choisis, tout en précisant que les Cahiers de l’Iroise d’avril-juin 1961 en ont présenté une version résumée.

 

1910, sans doute l’été. « Départ du Conquet à bord du Travailleur, capitaine Gourvès, homme jeune de 35 ans environ, de aille moyenne, mais solidement planté. Type de celte brun. Figure énergique, fortement hâlée, espadrilles, béret, un bout de cigarette collé à la lèvre supérieure. Lui-même est à la barre. Il ne serait pas prudent en effet, fût-ce par beau temps, de confier le navire à un subalterne dans le passage du Four… (Ndlr. Jean Gourvès, 46 ans, domicilié au Conquet,  patron du Travailleur est mort dans son sommeil, la nuit du 4 au 5 novembre 1916, dans le poste d’équipage du navire)

C’est la pointe du matin, et les phares sont encore allumés. Pont encombré de sacs, de barriques, même d’animaux (un taureau et trois vaches). Impossible d’y circuler, il n’y a de place que sur la dunette. Avec nous sont embarqués des soldats de l’infanterie coloniale, des permissionnaires de la Marine, des officiers rejoignant leur garnison d’Ouessant, un lot d’élégantes parisiennes , des voyageurs de commerce… des Ouessantines (une douzaine)…

 

Les îles très basses sur l’horizon pour la plupart sont encore noyées dans la brume. C’est Béniguet que l’on aperçoit d’abord, ouatée de fumée. Encore la devine-t-on plutôt qu’on ne l’aperçoit à travers ce brouillard orange dû à la combustion des algues… Il faut être dans la Helle pour discerner nettement Molène.

 

La voici enfin, développant sous le svelte campanile de l’église et la grande tour carrée du sémaphore, son amphithéâtre de maisons blanches, presque toutes à un étage, signe d’une aisance relative. L’entrée du port est quelque peu obstrué par le Trois Pierres, récif farouche qu’il faudrait éclairer – ou faire sauter ; le Travailleur y ramasse un gentil coup de roulis ; une paille à côté de la danse qui vous y attend en hiver. Mais le port lui-même, un havre naturel, en forme de conque, protégé vers la mer par le Lédénès… est le plus sûr, sinon le plus accessible de tout l’archipel.

 

Le Travailleur mouille à 50 mètres du môle, noir de monde, de femmes surtout et d’enfants… Une grande chaloupe montée par deux hommes,  le Pini, se range le long du bord et commence le déchargement des colis à destination de Molène. Il y en a de tous gabarits et de tous les calibres ; mais surtout des sacs, marqués aux initiales rouges ou noires des destinataires et contenant leur provision de pain de la semaine – le dit pain fabriqué et livré à crédit par le boulanger du Conquet qui vient tous les trimestres se faire régler. Certains ménages ne paient même qu’à l’année, après avoir vendu leur soude… Vers 1902 ou 1903, un boulanger audacieux qui s’était établi à Molène a dû fermer boutique presque aussitôt, le combustible qu’il fallait faire venir du continent, lui coûtait trop cher...

Le capitaine du Travailleur règle à chaque escale le patron du Pini, c’est toujours 40 sous, que le vapeur soit mouillé à 40 m ou à 200 m du môle ».

 

Il y a beaucoup d’autres choses intéressantes dans cet article rédigé par Le Goffic en 1922 à partir de ses notes de 1910. Possédant le numéro 2 de la « Bretagne Touristique », j’y puiserai à l’occasion.

                                          

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 Le Travailleur à gauche, le Cotentin à droite, en instance de départ un jour pluvieux (si on considère les parapluies noirs, ou très ensoleillé si on se réfère aux ombrelles blanches),  au port de commerce à Brest. (photo collect. Jpc, origine inconnue).

 

                                                                       JPC avril 2011

 

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2 mars 2011 3 02 /03 /mars /2011 14:08

Des chevaux pour les îles par l' André-Yvette

 

L'André-Yvette, gabare Lampaulaise construite en 1936, assurant des transports divers dans le quartier maritime de Brest.

Ce 1er avril 1970, le bateau, patron-armateur Jean-Paul Monot, fait escale au Conquet pour y embarquer des chevaux à destination du lédénès de Molène. Je me trouvais à la cale Saint-Christophe, d'où ces trois photos.

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Le cheval sanglé est prêt à être hissé. On aperçoit le patron de l'André-Yvette, derrière le mât, aux commandes du treuil.

gab andre yvette cheval2

 Guidé par le matelot au palan de retenue, et maintenu dans l'axe par quatre hommes, le cheval descend vers la cale de la gabare.

gab andre yvette cheval 1

Un peu d'agitation au passage de l'hiloire de cale. Mais tout se passera bien.

 

Je crois me souvenir qu'il y avait deux ou trois chevaux à embarquer pour le voyage.

 

                                                                               JPC/ 2 mars 2011 (Photos JPC)

 

Le naufrage de la gabare Notre-Dame de Trézien

 

Le 3 avril 1981, je me trouvais de service à la station radiomaritime du Conquet (Radio-Conquet). Passant devant une fenêtre, un peu après 11 heures, j'eus le regard attiré par un grand mât sortant de l'eau entre le pied du phare de Kermorvan et la tourelle de la Louve. Il n'y était pas quelques temps auparavant.

Par radio j'interrogeais un caseyeur du Conquet qui approchait du port  Le patron, après s'être dérouté,  me répondit qu'il n'y avait personne dans l'eau autour du mât mais qu'il voyait un canot à godille monté par deux hommes, passant l'extrémité de la digue Sainte-Barbe.

Quelques temps plus tard on apprenait que la gabare Nd de Trézien de Lampaul-Plouarzel venait de faire naufrage.

Un petit article dans " LeTélégramme" du lendemain rapportait que "Hier matin vers 11h, le sablier Nd de Trézien, gabare construite en 1948 et appartenant aux frères Jean et Victor Guichoux de Lampaul-Plouarzel, a fait naufrage à l'entrée du port du Conquet près de la tourelle de la Louve, à 400 mètres de la pointe de Kermorvan. La gabare chargée de sable devait gagner Landerneau.

En passant à proximité de la pointe de Kermorvan, à la suite pense-t-on d'une avarie de barre, elle talonna une tête de roches, la marée étant basse à cette heure.

Les deux marins réussirent à prendre place dans l'annexe amarrée à l'arrière du sablier avant que celui-ci ne coule."

gab nd trezien ech porscave

Le sablier Nd de Trézien à Porscave quelques temps avant son naufrage (1).

gab nd trezien ech porscave 2

Le sablier Nd de Trézien à Porscave peu de temps avant son naufrage (2)

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Le sablier Nd de Trézien à Porscave, peu de temps avant son naufrage.

 

L'échec du renflouement :

 

Une fois le navire allégé d'une partie de son sable, la tentative de renflouement s'est organisée. La manoeuvre devait consister à soulever le bateau et le remorquer à l'échouage dans le port du Conquet ou éventuellement à Portez.

Cinq navires étaient présents : deux gabares en fer, la Reine des Abers et le Falleron, deux gabares en bois, Fleur de Mai et ?, plus un coquillier-goémonier de Laberildut.

 

gab nd trezien nauf 1

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gab nd trezien nauf 2

La Reine des Abers positionnée au-dessus du Trézien (dont on distingue le mât sur l'avant du petit navire de pêche), devait servir de flotteur, la Fleur de Mai  aurait tiré en pointe en direction du port du Conquet.

Mais dès le début de l'opération, la Reine des Abers et son encombrant colis sous-marin ont été emportés par le courant de flot. Le sablier en fer tournoyant sur lui-même a dépassé le phare, en direction de l'Ilet.

Les câbles ou chaînes supportant le Trézien ont été largués ou cisaillés et la gabare est partie définitivement au fond, à 0,7 mille de la pointe de Kermorvan, sans espoir de récupération.

 

                                                                     JPC / 2 mars 2011 (Photos JPC) 

 

  Additif :  quelques temps plus tard, je n'ai pas retenu la date, c'était au tour de la Fleur de Mai de couler chargée de sable, sur son corps-mort dans l'Aber-Ildut. Une fois la cale vidée, la Reine des Abers a été positionnée comme flotteur au-dessus de la gabare immergée et des plongeurs ont installé des citernes gonflables pour décoller la coque du fond. Cette fois l'opération a réussi, la Fleur de Mai a été ramenée au sec à Porscave et quelques semaines plus tard elle reprenait du service.

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Le mât de la Fleur de Mai émerge à bâbord de la Reine des Abers. ( Photo JPC)

 

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1 mars 2011 2 01 /03 /mars /2011 15:29

LA GABARE AVIATEUR-MERMOZ  ET LE CONQUET

 

La gabare "Aviateur-Mermoz", a été construite à Camaret en 1937 au chantier Keraudren. Sloup à tape-cul ou dundee à voile et à moteur, ce bateau de charge a été équipé à l'origine d'un petit moteur Baudouin DB3 de 36 cv, la voile était alors prépondérante,  puis en 1946 d'un Baudouin de 75 cv, et enfin en 1972 d'un DK6 de 150 cv.

 

Navire de transport d'une longueur de 18 mètres, jaugeant 30 tonneaux, le navire a été baptisé ainsi en mémoire de Jean Mermoz, figure emblématique de l'Aéropostale, disparu dans l'Atlantique-sud le 7 décembre 1936.

 

Son activité essentielle a été la pêche du sable jaune au Minou, du maërl et du sable blanc aux abords de Molène et à l'entrée de Laberildut, où se trouvait d'ailleurs son port d'attache.

 

Livraisons de sable et de maërl au Conquet : A la demande d'agriculteurs locaux, l'Aviateur-Mermoz venait occasionnellement livrer des amendements marins pour les besoins des terres.

La gabare qui avait travaillé le matin à marée basse sur les bancs, remontait avec le flot dans le port du Conquet jusqu'à avoir assez d'eau pour accoster à la cale Saint-Christophe, après avoir tourné le bateau cap au nord. Les tracteurs positionnaient alors leurs remorques en marche arrière, et le déchargement commençait.  A l'époque de mes photos, 1980-1992, le patron-armateur se nommait Corolleur, un seul matelot formait l'équipage.

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  L'Aviateur-Mermoz manoeuvre pour se mettre bâbord à quai

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Opération de déchargement, le patron est au treuil.

 

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 Opérations de déchargement (suite)

 

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 Un tracteur plein va s'éloigner, on distingue sur le haut du quai des remorques vides en

attente. 

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Le patron aux manettes du treuil, le crapaud vidé dans la remorque du

tracteur va replonger dans la cale... (il manque le bruit du moteur,  

 des câbles, des chaînes et des poulies grinçantes)

 

Une mésaventure.

Je me trouvais en famille sur la plage des Blancs-Sablons, en 1980 ou 81?, une brume de chaleur épaisse empêchait de voir la mer. Soudain le voile cotonneux s'estompa, une gabare

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était à demi immergée à quelques centaines de mètres du bord. Plus loin des bateaux attendaient pour lui porter secours.

Que s'était-il passé?, panne de moteur?, surcharge de sable, erreur de navigation?

AVM-BL-SB-3.jpg

 

 Une marée plus tard, les rouleaux déferlants vers la plage avaient eu raison du mât d'artimon et de la timonerie.

AVM BL SB 2

 Il en fallait plus pour décourager les sauveteurs. A l'aide de ballons et de tonnes métalliques, avec la participation de la gabare en fer "Reine des Abers", du coquillier-goémonier Racleur d'Océan et du fileyeur Marie-Sophie, l'Aviateur-Mermoz fut ramené dans l'Aber-Ildut et remis en état. Le patron du bateau ne jugea pas nécessaire de replacer le mât d'artimon.

 

La fourniture d'engrais marins aux agriculteurs du Conquet a repris comme avant 

 

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  L'aviateur-Mermoz dépourvu de son mât d'artimon et sans radar

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  En cours de déchargement

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 Vidée de son sable, la gabare fait route l'Aber-Ildut.

 

L'Aviateur-Mermoz à Molène 

J'ai pris les deux photos suivantes à Molène en juillet 1987

Sur le quai mise en sacs du petit goémon récolté à marée basse et séché pendant plusieurs jours. Les sacs sont empilés sur la gabare pour être acheminés vers une usine du continent sans doute par Porscave (Lampaul-Plouarzel).

AVM-molene-goem-quai-07.87.jpg

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AVM molene goem bato

 

 

Au Conquet, à propos du quai Vauquois. 1992.

 

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La gabare avait mouillé sur rade, un énorme paquet de goémon, remonté avec son ancre pend sur son avant tribord.

 AVM 1992 COULEUR

 Le bateau est positionné par le surveillant de port, au dessus d'une butte restée après le dragage, en face du  plan incliné du nouveau quai Vauquois.

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En action. 

 

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Deux photos supplémentaires.

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L' Aviateur-Mermoz à Brest dans les année 1975-80

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L' Aviateur-Mermoz à Camaret dans les années 1975-80

 

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L' Aviateur-Mermoz a cessé ses activités en 1995, vendu à une association "IC les voiles", il semble que sa restauration ait connu des problèmes.

 

Je suis preneur d'informations concernant sa situation actuelle pour clôturer cet article.

 

           JPC 1er Mars 2011.  Photos JPC. 

 

Gabare-Aviateur-Mermoz-2-.jpg

 Je remercie Bernard Hily de m'avoir fourni cet article du "Télégramme" du 30 juillet 1997, relatant le départ du "Mermoz" pour la plaisance, quartier maritime du Havre. Reste à connaître la situation actuelle du navire.

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POUR INFORMATION aux lecteurs : mes articles anciens concernant l'accident du Souffleur en 1875, et l'échouage du Lipari aux Blancs-Sablons en 1923, ont été revus et complétés ces jours derniers.

 JPC

 

 

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4 janvier 2011 2 04 /01 /janvier /2011 14:32

Un pionnier de l’aviation au Conquet en 1908

 

Ferdinand Ferber est né à Lyon en 1862. Sorti de « Polytechnique », il choisit  la carrière militaire, lieutenant d’artillerie puis capitaine en 1893. Dès 1898, il se passionne pour l’aviation alors débutante. Ses premières expériences se font sur planeur. Pour se consacrer à sa passion, il quitte l’armée et entre chez le fabricant de moteurs d’avions « Antoinette ». Puis pour diverses raisons il doit réintégrer l’armée.

Sa reprise de service est fixée au 20 août 1908 au 18e bataillon d’artillerie à Brest. En juillet il est déjà sur place car une notice en anglais d’Ernest Jones* nous apprend que le capitaine L.F Ferber a effectué ses premiers vols à Brest le 22 juillet 1908, 10 mètres, puis 30 mètres, 50 mètres et enfin 150 mètres sur le Ferber IX, de sa construction, reproduction d’un modèle de 1905. Le 25 juillet, il améliore sa performance avec un vol de 300 mètres.

 

Un article du quotidien L’Ouest-Eclair, nous précise que « Ferber a fait ses premières expériences à la grève des Blancs-Sablons au Conquet avec un appareil haut-planeur  et qu’il a donné une conférence avec projection sur l’aérostation au Casino de Brest ».

 

Après quelques mois à Brest, de nouveau en congé de l’armée, Ferber s’est consacré entièrement à la mise au point de nouveaux engins et a participé sous le nom de « De Rue » à plusieurs meetings aériens.

 

Le 22 septembre 1909, au cours de démonstrations à Boulogne sur Mer, l’aile gauche de son biplan heurte le sol, l’appareil capote. Ferdinand Ferber pris en dessous est écrasé par son moteur et décède quelques minutes plus tard.

 

Notes :

*De nombreux sites Internet font référence à Ferdinand Ferber et aux pionniers de l’aviation, dont celui cité plus haut http://earlyaviators.com. On trouvera sur ces sites la photo de l’aviateur et de ses avions, ainsi que tous les renseignements techniques utiles à la connaissance du sujet.ferberdaveport-1-.jpg

Photo extraite de earlyaviators et légendée "ferberdaveport"

 

Le journal L’Ouest-Eclair (archives accessibles à partir du site de Ouest-France) a publié de nombreux articles sur le sujet à partir du 23 septembre 1909, lendemain de la mort de l'aviateur.

 

Toutes informations concernant les essais de Ferber aux Blancs-Sablons (alors sur la commune de Ploumoguer) seraient les bienvenues pour compléter cet article.

                                            Janvier 2011 / JPC

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