Dans l’histoire des défenses côtières des Blancs-Sablons et de la presqu’île de Kermorvan
L’Ilet, l’Islet ou Ilette, ou Islette
Référence cadastrale actuelle : ILETTE : N° 000 H 549, 3 303 m², commune du Conquet depuis 1961, auparavant dépendait de la paroisse, puis de la commune de Ploumoguer.
Vue générale de l’Ilet à basse-mer (morte-eau), octobre 2010, la langue de blocs
de pierre découvrant à marée basse s'appelait autrefois "la Tranche"
De quand datent les « fortifications » de l’Ilet ?
Les chroniques disent qu’en 1207 les partisans de Jean Sans Terre, roi d’Angleterre, construisirent près du Conquet un fort château, firent de la ville et du port une forteresse et y laissèrent garnison (Ogée, Dictionnaire). Pierre de Dreux, duc de Bretagne a délogé les Anglais du Conquet et par précaution a fait raser forteresse et château. Ce château, sans doute une motte de terre surmontée d’une tour en bois était-il bâti sur l’Ilet, j’en doute.
Durant les siècles suivants, l’isle du Conquest (presqu’île de Kermorvan) est fréquemment occupée par des troupes, et même fortifiée en 1595 et de 1614 à 1627, (j'y reviendrai), sans qu’il soit question de l’Ilet.
Carte de Jérôme Bachot 1624 ingénieur ordinaire du roi (Louis XIII) en Bretagne. La presqu’île de Kermorvan est nommée Isle du Conquest, l’îlot n’a pas de nom particulier sinon qu’il se termine par la « pointe du Vieux Château ». (détail).
De même sur la carte de Jan Béchec en 1628 (détail).
Et aussi sur cette autre carte de Jan Béchec (détail).
Vauban entre en scène :
Le 1er mai 1694, Vauban est nommé par Louis XIV commandant de la place de Brest, il se fait aussitôt présenter par l’ingénieur Mollart, le tableau des batteries faites et à faire autour de Brest, pour lesquelles il a laissé des instructions en 1688-89, lors d’un précédent séjour.
Sur l’Islette, il y a un parapet d’artillerie percé de 6 embrasures, mais qui n’abrite que 4 canons. Il est prévu d’en faire un autre à 8 embrasures pour 6 canons, et 2 mortiers.
Puis vient le duc d'Aiguillon :
Le danger anglais s’étant éloigné, les batteries sont désarmées, elles seront à nouveau activées (et faites refaites pour certaines) lors de la guerre de Sept-Ans (1756-1763), sous l’impulsion du duc d’Aiguillon, gouverneur de Bretagne.
Un état de 1757-58, (fond Langeron), dénombre pour l’Islet de Kermorvan, deux canons de 12, un de 18, un de 24, deux de 36 et un mortier. Le personnel d’armement de la batterie (existant ou prévu) se compose d’un lieutenant, d’un maître-canonnier, de deux aides-canonniers, de trois personnes dites « gens du port », d’un capitaine garde-côtes, et de 40 canonniers gardes-côtes. C’est probablement à cette époque qu’ont été construits ou restaurés, un corps de garde à l’entrée au sud de l’îlot, une poudrière, une guérite, un four à rougir les boulets, une guérite, une plateforme pour mortier et deux terrasses d’artillerie
Le corps de garde de 1757, la guérite, le fourneau
à rougir les boulets, à réverbère et à trois rainures.
Le corps de garde se trouvait à l'emplacement actuel
du fort d'entrée de l'Ilet.
La guerre prend fin en 1763, le traité de paix sera catastrophique pour la France et il entraînera la disparition de la flottille de barques de commerce conquétoise.
Photo ci-dessus (oct 2010) : en haut la guérite en ruine, à sa droite la plateforme pour le mortier. Sur la terrasse d'artillerie (haute), en contrebas de la guérite, l'emplacement approximatif du four à rougir les boulets.
Guerre des Insurgents, indépendance des Etats-Unis d'Amérique du Nord
La paix précaire avec l’Angleterre sera de courte durée puisqu’en 1778, les deux nations sont à nouveau en guerre à propos de l’Indépendance des Etats-Unis d’Amérique. Les défenses côtières sont remises en état. Une inspection à la batterie de l’islet de Kermorvan y trouve deux canons de 22, un canon de 12 et un mortier en état, deux canons de 36 et un canon de 12 bons pour le rebut.
1783, la guerre se termine, l’ennemi n’a pas attaqué les abords de Brest, mais dix ans plus tard, la Révolution française attire à nouveau sur nos côtes la menace anglaise.
Epoque révolutionnaire, la République
1791, inspection menée par des commissaires envoyés par le directoire exécutif à Brest.
N°7, Isle de Kermorvan. Le corps de garde est en bon état, un mortier de 12 monté, deux canons de 22 sur affûts de côte. Un canon à terre, 41 gargousses en papier, 30 bombes (pour le mortier), 40 boulets, deux barils de poudre de 200 livres chacun.
1793, 2 avril, guerre avec l’Angleterre, procès-verbal des commissaires nommés pour la vérification des forts et batteries de la côte depuis Toulbroc’h jusqu’à et non compris l’Aber-Ildut. l’Ilette : le mortier a besoin d’être rebattu, les bouches sont sa plupart sans oreilles et par conséquent inutiles. Il y a deux canons montés qui sont de calibre différents mais si évasés qu’on ne peut les reconnaître facilement, ce qui est très dangereux. Un des canons ne vaut rien et un autre resté à terre est mauvais. Cette batterie pourrait contenir quatre canons, nous les croyons très utiles. Nombre d’hommes prévus : cinquante. (Au mois de juin il en manque encore seize, au mois d’août, il n’y a plus sur la batterie qu’un gardien et un instructeur, pas de canonnier)
Au XIXe. Vers 1840, sous Louis-Philippe 1er, roi des Français, la politique belliqueuse de son ministre Adolphe Thiers à l'égard des Anglais nous fait craindre une nouvelle guerre avec nos voisins d'outre Manche. De gros travaux de fortifications concernent Paris, mais aussi un vaste plan de défense côtière est mis à l'étude. A partir de 1846, des forts ou fortins, nommés aussi redoutes ou réduits commencent à garnir le littoral français.
Le fort de l'Ilet vers 1900, (détail de carte postale) on repère très bien la guérite (intacte) sur la hauteur et les galeries de fusillade de part et d'autre du fort.
Atlas des bâtiments militaires 1854 :
Batterie de l’Ilet : réduit. Construit en 1847 dans la batterie de 1757, caserne d’artillerie, et logement du gardien. Prévu pour 1 officier et 20 hommes, magasin à poudre de 4 400 kg, en bon état.
Un autre document nous indique que le fort de l'Ilet est un modèle 1846, type N°2, prévu pour 40 hommes et armé de huit canons, qu'il a été érigé en 1849, déclassé en 1876, déclassement validé en 1889.
Une note s
ur un plan précise qu'il a été remis au T.P (?) le 26/10/1898.
Ci-dessus, le fort, état actuel, octobre 2010, vu du passage de basse-mer, ci-dessous, vue du fort à l'intérieur de l'enceinte.
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Le fronton de l'entrée porte la date de 1847. Comme au moyen-âge la porte était protégée par un fossé avec pont-levis, on voit très bien les réas des câbles de contrepoids. Dans le passage il y avait une herse surmontée d'un "assommoir", découpe horizontale dans le plafond qui permettait depuis la terrasse, de faire tomber des pierres sur un assaillant engagé dans le corridor!
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Les ruines de la guérite
sur le haut du rocher.
Une vue magnifique.
La plateforme du mortier.
Sorte de canon en forme de marmite, permettant de lancer des bombes en tir courbe.
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La terrasse d'artillerie
basse, ses canons protégeaient la baie des Blancs-Sablons.
Fin provisoire du sujet.
ATTENTION A NE PAS SE LAISSER SURPRENDRE SUR L'ÎLOT PAR LA MAREE MONTANTE!
jpc: octobre 2010.