L'organisation du pilotage maritime en France relève de textes signés par Napoléon 1er, à Potsdam en 1806.
Gouvernement impérial, 12 décembre 1806.
Décret concernant le règlement pour le service du pilotage
Texte complet accessible par "Google", chemin décret impérial pilotage 1806, puis http://books.google.fr
Le Conquet :
Les tarifs de pilotage de Brest et du Conquet ont été fixés par une Ordonnance du Roi (Louis XVIII) du 5 août 1818; L'Intendant de la Marine à Brest écrit au ministre de la Marine le 22 juin 1818 "Monsieur j'ai reçu les procès verbaux d'examens des marins qui se sont présentés pour remplir les places vacantes de pilotes de ce quartier". (1E641)
Le 18 août 1820, un courrier similaire (1E663), parle de la pétition des pilotes-lamaneurs du Conquet qui demandent que les pilotes des stations voisines leur cèdent, en arrrivant dans leurs eaux le pilotage des bâtiments venant à Brest ou se rendant dans le nord, n fonction de l'article XVIII du règlement du 12 décembre 1806 (Postdam).
Le premier pilote que j'ai vraiment identifié lorsque j'ai fait ces recherches il y a une quinzaine d'années est :
GABRIEL MICHEL FOURDILIS
GABRIEL MICHEL FOURDILIS, né au Conquet le 23 octobre 1775.
Reçu maître et pilote en 1821, il embarque sur la Marie Jeanne en 1822. C’est un petit sloup de 2 tonneaux, construit au Conquet en 1815, dont l’armateur est François Monté, ancien maire, boulanger du Conquet (voir dossier municipalités).
Figurent sur le rôle du 1er nov 1923, le patron Fourdilis Gabriel, pilote, et les matelots, Gouerec Noël Marie, Sévère Noël, Guyot Nicolas. (Equipage réel 2). Pour une raison que je ne connais pas, le bateau est déclaré perdu le 22 octobre 1825. Gabriel Fourdilis se trouve à la barre d’un nouveau bateau moins d’une semaine plus tard le 27 octobre 1825, la Marie Sylvie . Mais il a cinquante ans et préfère mettre sac à terre pour devenir ? sans doute comme ½ soldier, “guetteur des signaux”, au poste de la pointe des Renards probablement.
Le 7 mars 1847 on le repère dans la revue de la Compagnie des Chasseurs de la Garde Nationale du Conquet, il est sergent-major, élu du 16 nov 1846.
NICOLAS GUYOT
C’est l’occasion pour NICOLAS GUYOT de lui succéder.. Nicolas Guyot, fils de Laurent, époux de Catherine Le Hir, est né au Conquet en 1769. Sous la Révolution, en l’An 8, il participe en tant que patron du bateau les 2 François, au sauvetage d’épaves du navire prussien l’Hudingend de Koenisgberg échoué à Molène. Il est reçu pilote-lamaneur en 1815, mais semble rester plusieurs années sans exercer.. On le voit en 1822/23 matelot sur le bateau La Providence, puis il embarque avec Fourdilis sur la Marie-Jeanne en 1824.
Quelques mois avant la perte de la Marie Jeanne, le 13 juillet 1825, Guyot se voit confier par Le Guerrannic, maire du Conquet, négociant et armateur, un petit sloup neuf de 4 tonneaux qui vient d’être construit au Conquet: La Providence.
Le bateau est armé à la pêche du poisson et au lamanage, Nicolas Guyot a alors 56 ans!
Guyot emploie comme matelot NOEL MARIE GOUEREC, né au Conquet en 1793, qui a été reçu pilote-lamaneur en 1821.
Désarmements de 1826: 2P7 462
La Providence, 1825, Le Conquet, à Le Guerrannic e Cie, 4tx, armement du 13/7/25 au 26/9/1826
Pêche du poisson et lamanage
Guyot Nicolas ...... Pilote Lamaneur
Querné Jean Marie
Gouerec Noël (Pilote Lamaneur)
Guyot Jean Marie
(Ensemble à bord seulement 2)
Les cahiers de la mairie rapportaient dans une « Lettre du maire du Conquet au président de l’Intendance sanitaire à Brest, le 22 août 1833..
Un sloup a heurté des roches au large de la terre le 20 août au soir. Un pilote s’est rendu à bord et l’a conduit dans la rade foraine de Lochrist. Le sloup venant de Lisbonne a été consigné par risque de maladie. Des vivres lui ont été fournis dans un canot qu’il avait filé au bout d’une amarre.
Le pilote a dû rester à bord et partir jusqu’au Havre pour y être assigné en quarantaine.. » Il est est improbable que ce soit Guyot ou Gouérec qui ait rendu le service de pilotage au navire précité jusqu’au Havre, n’ayant pas la qualité pour cela.
La Providence va naviguer jusqu’en 1840, (2P7 470..) puis on lit sur son rôle débarqué au Conquet, pour cause de naufrage : le bateau s’est perdu dans le port du Conquet, la nuit du 3 au 4 février 1840. Avaient navigué à bord au cours de l’année : Fouquet Pierre, Bergot Pierre Gabriel, Guyot Jean Marie (retraité, il a 70 ans !), tous habitant Le Conquet.. équipage réel 2 hommes.
uis sera remplacée par une autre La Providence, sloup de 3 tonneaux, construit au Conquet en 1840.. Nicolas Guyot en est alors l’armateur, le bateau est armé à la pêche, et commandé par Jean Marie Guyot.
Additif sur la famille Guyot :
En 1818, affaire Ballanger-Labbé, (contrebande de tabac et de sel), le transport de l’huissier à Ouessant est assuré par La Providence du Conquet, patron Guyot.
Berthelé, pilote d’Ouessant est compromis dans l’affaire.
Un fils de Nicolas, Jean Marie Guyot né au Conquet en 1808, amputé de la jambe gauche à bord du vaisseau Duquesne en 1830 est pensionné, gardien de quai au Conquet.
En 1856 on note à l’Etat-Civil, Vincent Guyot, 12 ans, fils de Eliza Le Corre veuve Guyot, cabaretière, mousse à bord du bateau-pilote.
L’usine d’iode du Conquet, directeur Tissier, commence à fonctionner vers 1829-30, il faut beaucoup de charbon pour les fours.. Il est probable que ce sont les pilotes du Conquet qui entraient les bateaux-charbonniers (bricks,sloups, goélettes) dans le port et comme lamaneurs les positionnaient pour qu’à l’échouage ils puissent effectuer leur déchargement dans les charrettes venues le long du bord prendre le charbon, pour le convoyer jusqu’à Poulconq par l’aber.
FRANCOIS KERIEL
A l’état-civil, on note aux recensements de 1836, 1841, 1846, mention de FRANCOIS KERIEL époux de Vincente Masson, pilote-lamaneur, habitant sur le quai du Conquet.
Keriel est né en 1793... (Toutes les recherches sont à faire sur ce personnage).
1844... dans un document Règlement du Port du Conquet, on remarque : Keriel François, pilote lamaneur membre de la commission, par contre il a disparu dans un document similaire daté de 1849
On peut peut-être admettre que Keriel exerce jusqu’en 1853, date où il serait remplacé par Noël Marie Masson..
NOEL MARIE MASSON
NOEL MARIE MASSON est né au Conquet en 1811, fils de Dominique Masson, capitaine de commerce et de Marie Françoise Lannuzel, marchande de drap, habitant semble-t-il quartier de Kerdacon.
En 1825, il est mousse sur le sloup ponté La Providence, 14 tx, construit en 1817 au Conquet appartenant à François Monté et consorts, le bateau est armé à la pêche du poisson frais, le patron en est Dominique Masson son père. Puis le navire est armé aux Transports Intérieurs au moins jusqu’en 1828
En 1834, 9 avril, alors qu’il est passé maître au cabotage et semble habiter Molène, Noël Masson commande le Jules, un sloup de 29 tx à un pont, construit au Conquet en 1821, appartenant à Le Guerrannic et consorts..
Le 12 septembre 1849 il est reçu pilote-lamaneur.. mais c’est un petit bateau de pêche qu’il fait construire à Lanildut cette année-là... la Joséphine, 2 tonneaux, qui porte le prénom de son épouse...
1851: à l’état-civil, il est dit pilote et commerçant, époux de Joséphine Corre, commerçante, le couple habite rue Etroite.
En 1853, Masson change de bateau et embarque comme patron sur la Marie, un sloup non ponté de 3,82 tonneaux qui appartient au charpentier naval Jean Etienne Adam..(Adam, à la demande des clients s’installe au Conquet, le temps d’un chantier).. le bateau construit au Conquet en 1851 est armé au pilotage extérieur, avec pour patron Masson, de 1853 à 1861. Il sera démoli au bout de dix ans d’activité, au Conquet en 1863.
Masson exercera tour à tour avec une autre Joséphine, LC75 9,02 tonneaux, sloup non ponté contruit à Laberildut en 1847, armé au pilotage extérieur, (Armt/désarmt 1855), puis avec le Joseph et Marie 5,85 tonneaux..
En 1856, il habite le couple Masson- Corre habite toujours “rue Etroite”
1858: Courriers du maire.
Mai 1858, Le conseil municipal a appris avec peine que le pilote de la station du Conquet vient d’être privé du droit que lui accordait l’article 64 du réglement antérieur de démonter les pilotes qui se trouvaient à bord des navires entrant dans sa station par le parage du Four. Un pilote ayant été reconnu d’une nécessité urgente au Conquet, il fallait nécessairement lui créer les moyens d’existence et c’est sans doute pour ces motifs qu’une disposition toute spéciale des réglements lui accordait le droit de démontage. On le prive de cette prérogative, c’est inévitablement supprimer la station, aussi le pilote Masson, marin éclairé et intrépide dont le courage et l’énergie n’ont jamais failli et malgré toute l’activité qu’il déploie ne peut que rarement piloter des navires, en effet la station du Conquet est cernée de toutes parts et les navires qui y passent ont dû prendre des pilotes dans les stations précédentes. Ce ne serait donc que dans l’Iroise, en courant les plus grands dangers qu’il pourrait accidentellement surprendre quelque navire, mais pour cela il lui faudrait une grande embarcation et un nombreux équipage dont l’entretien serait plus plus dispendieux que ce qu’il pourrait retirer du pilotage.. Ne pouvant se reposer sur des éventualités futiles, il devrait abandonner ses fonctions.. Le conseil demande qu’il soit réintégré dans les droits qui de temps immémorial étaient accordés au pilote de la station du Conquet de démonter les pilotes qui se trouveront à bord des navires entrant dans sa station.
Le texte précédent repose sur un règlement disant que le pilote embarqué sur un navire, devait en descendre et en laisser la conduite au pilote dont il entrait dans les eaux, qui ferait de même en passant dans le champ d’action de la station suivante. Scénario inapplicable dans les faits !
Document :
Tableau des limites du pilotage par Thomassin dans :“PILOTES DE LA MANCHE”
Limites des pilotes
Le Conquet : au nord le parallèle du phare de Kermorvan. Ils pilotent jusque dans le port de Brest, ainsi que pour l’entrée et la sortie des ports compris entre Le Conquet et Porsal, ce dernier excepté.
Molène : à l’ouest: la ligne passant par la caserne de Molène et le Diamant des Pierres Noires. Ils pilotent jusque dans le port de Brest et pour l’entrée et la sortie des ports compris entre Porsal et Le Conquet, la sortie de ces deux ports exceptée
Ouessant : depuis le large jusqu’à la ligne passant par la caserne de Molène et le Diamant des Pierres Noires. Ils pilotent jusque dans le port de Brest et pour l’entrée et la sortie des ports compris entre Porsal et Le Conquet, la sortie de ces deux derniers exceptée.
Portsal : de la ligne passant par Ploudalmézeau et Fourn-Cros à celle qui passe par Landunvez et le Four. Ils peuvent seuls entrer à Porsal et en sortir. Ils conduisent jusque dans le port de brest et pour l’entrée et la sortie dans tous les ports situés entre Porsal et Le Conquet, la sortie de ce dernier exceptée.
Brest : ... Ils sont exclusivement chargés de la sortie de la rade et du pilotage dans les deux rades. Pour l’entrée dans le port, ils ne démontent le pilote qui a entré (un navire) en rade, qu’après douze heures de mouillage, et seulement s’ils sont arrivés à bord avant que le navire ait dérapé....
Distances extérieures:
1ère distance : de la rade de Brest à la ligne passant par le rocher Toulinguet et le Tas de Pois de l’ouest, ou à la rade ou au port de Camaret et réciproquement
2ème distance : de la rade de Brest à la ligne passant par les phares de Kermorvan et de Saint-Mathieu et réciproquement
3ème distance : de la rade de Brest à la ligne passant par la caserne de Molène et le Diamant des Pierres-Noires et réciproquement.
4ème distance : de la Rade de Brest à l’ouest de cette ligne et réciproquement
Et plus loin..
Stations et nombre de pilotes :
Ouessant : 2 et 2 sur les transatlantiques; on les prend au sud-ouest de l’île. Dans les grandes marées, ils ne peuvent venir à bord qu’à l’étale.
Molène : 3 et 2 sur les transatlantiques, on les prend au sud et encore mieux au nordet; ils viennent à bord plus facilement que ceux d’Ouessant.
Le Conquet : 2, on les prend à l’entrée du port, ou près de St Mathieu pour passer le chenal du Four.
Porsal : 2 pour faire le chenal du Four, venant du nord, on les prend au nord-nordet de la roche du Four, (phare en construction)... et à l’ouest de l’île Vierge..
Revenons à Masson.
Masson n’abandonne pas le service, puisqu’en 1860 il fait construire à Douarnenez un autre sloup, la Nouvelle Joséphine, 5,39 tonneaux...
La suite n’est pas très claire.. le bateau est noté aux désarmements de 1864/65 “pilote de Molène”
Erreur ? Ou bien Masson est-il parti exercer à Molène? Ou bien le bateau a été vendu à Jean René Couillandre de Molène qui exerce le pilotage.
Madame veuve Piton en est l’armateur en 1867, et vend (800F) le bateau en août 1876 à son beau-fils Jean François Cariou. La Nouvelle Joséphine sera détruite par la tempête du 2 décembre 1876.
Entre temps, Noël Marie Masson qui a abandonné le métier de pilote entre 1861 et 64, est devenu le premier patron du premier canot de sauvetage du Conquet en 1867...
10 septembre 1867:
Reconnaissance par le capitaine de vaisseau mandaté par la S.C.S.N en inspection au Conquet de l’équipage du canot de sauvetage Mallats-Desmortiers:
Patron Noël Marie Masson .... Pilote
Sous-Patron Pierre Kervarec .. Pilote
Parmi les canotiers: Pierre Le Goaster.. (voir plus loin)
Il décède en 1870.. âgé d’environ 60 ans. On peut considérer que Masson a laissé la charge de pilote vacante en 1864 puisqu’un nouveau candidat s’est déclaré.
PIERRE LE GOASTER
Le nouveau pilote en 1864 est PIERRE LE GOASTER, né à Ploubalanec en 1816, fils de Jean Goaster et Marie Riou, époux de Margueritte Derrien. Il est l’un de ces migrants saisonniers, venus de Loguivy faire la pêche des crustacés au Conquet et, qui s’est vite sédentarisé. .
En 1856, il passe avec son petit bateau La Maria (1,97 tonneau) la saison de pêche au Conquet, il a déjà quarante ans, une femme et quatre enfants, ce qui lui permet d’être en sursis de levée et de ne pas être mobilisé pour la Guerre de Crimée 1855-56.
En 1861, 46 ans, il habite sur le quai du Drellac’h avec sa femme, leurs cinq enfants* et une domestique.
Le Goaster, reçu aspirant-pilote le 8 mars 1864, fait construire à Loguivy un petit lougre de 6,12 mètres pour 3,14 tonneaux avec lequel il exercera son métier pendant plus de vingt ans. Le bateau qui s’appelle le Robuste porte donc bien son nom...
Le Robuste, construit à Loguivy par Olivier Derrien, certificat de mai 1864.. 3,14 tx, Longueur 6,12 m, largeur 2,38 m, creux 0,82 m, avec faux tillac, sans vaigrage ni serrage.. Dépecé le 27 avril 1883 pour vétusté.
Il sera remplacé par la La Léontine, 2,93 tonneaux (1885) A 70 ans en 1886, Pierre Le Goaster est toujours pilote du Conquet..
*Pierre Le Goaster était le père de Pierre Marie Le Goaster, né à Ploubazlanec en 1848, patron de pêche mais surtout patron des canots de sauvetage “Mallats-Desmortiers” et “Lieutenant Pierre Géruzez”. PIERRE MARIE LE GOASTER (Né à Ploubazlanec en 1848), patron pêcheur au Conquet, patron du canot de sauvetage après Kervarec... est nommé le 24 juillet 1889 à l’emploi de pilote pratique titulaire des bateaux torpilleurs pour la partie comprise entre le passage du Four et Brest et du Toulinguet à l’île de Sein.
PIERRE MARIE KERVAREC
Depuis quelques années Le Goaster a un concurrent, “Paimpolais” comme lui, ce qui tend à prouver que le métier est rentable puisqu’il y a du travail pour deux équipages.
PIERRE MARIE KERVAREC... est né à Ploubazlanec le 17 février 1829, fils de Pierre Kervarec et de Marie Françoise Ber.. mousse à 12 ans en 1841, il est novice à la pêche et au cabotage dans le quartier de Paimpol.. Sur les registres matricules, c’est l’orthographe Quervarec qui prévaut.
Il épouse Elisabeth Derrien en 1859 et embarqué sur l’Annette passe sa première saison de pêche au Conquet de mars à octobre 1861. Une fois le bateau ramené à Loguivy, Kervarec prend la décision d’émigrer, le 24 novembre 1861 il est de retour avec sa famille au Conquet pour s’y installer définitivement dans une maison du quai du Drellac’h..
Matelot sur le Saint-Pierre à la pêche, puis au bornage (1870). Il devient patron du bateau d’abord au bornage 1871-1877, puis au pilotage à compter du 24 septembre 1877 (Sa nomination comme aspirant-pilote date pourtant du 16 août 1871).
Entre temps, Kervarec, nommé sous-patron à la mise en service du Mallats-Desmortiers le 10 septembre 1867, a succédé comme patron du canot de sauvetage Mallats-Desmortiers à Noël Masson sans doute dès 1868...
Ses bateaux:
Saint-Pierre, 2,24 tonneaux construit en 1864 à Loguivy
(Bornage en 1864, puis en 1868 petite pêche, puis de 1871 à ? bornage, (démoli à Ouessant en 78)
Un autre Saint-Pierre, 4,49 tonneaux, 6,69 mètres, sloup construit à Loguivy par Olivier Derrien, francisé le 12 août 1874, un mât, ni faux tillac, ni vaigrage, ni serrage. Longueur 6,69 m, largeur 2,42 m, creux 1,46 m... Kervarec l’utilise au moins jusqu’en 1882
NR4, sloup 6,07 tonneaux jusqu’en 1892
Louis, sloup 5,61 tonneaux au pilotage jusqu’en 95, à la pêche en 1896...
(à l’état-civil, recensement 1891: Kervarec 62 ans est noté “pêcheur”
SELON la matricule des pilotes du Conquet, 2P3 221.. (si la copie en ma possession n’est pas erronée, Kervarec était patron borneur de 1871 à 1877, or c’est pendant cette époque que s’est passé l’épisode du Brazilian (1876) où il est bien cité comme pilote)...
1876...Enquête nautique, accident du Brazilian. Le capitaine du steamer anglais Brazilian prétend avoir attendu le pilote pour Brest près de la Vandrée sans trouver la bouée à cloche qui balise le haut-fond.. (la bouée a effectivement disparu depuis le mois de mars précédent. Au cours de cette attente, il dit avoir talonné sur la roche et seulement à ce moment un pilote s’est présenté.
Kerjean pilote major de Brest commente la déclaration de son collègue Kervarec : Le Brazilian a été rencontré le 29 mai à 9 heures du matin ou avant car le pilote n’avait pas de montre mais il a fait une estime à 1 heure de jusant environ. Le steamer faisait route Brest en courant des bords comme un navire qui louvoie. Kervarec suivait à peu près la même route en cherchant à le joindre. Selon Kervarec qui portait son pavillon de pilote, le Brazilian essayait plutôt de l’éviter que de le rencontrer. Le dit pilote se trouvait à peu de distance de la Parquette quand le Brazilian a touché cette roche et non pas la Vandrée. (Note de Kerjean, à cette heure là il y avait sept mètres d’eau sur la Vandrée.) Après l’accident le Brazilian a hissé en tête de mât le pavillon réclamant un pilote. C’est le pilote de Molène , Piton, qui est monté le premier à bord, Kervarec est arrivé presque aussitôt.
Le Brazilian a pu gagner Brest mais a coulé dans le port en face du platin de carénage. Le bateau était chargé de 1 900 tonnes de minerais de fer et de plomb, il a été renfloué en juillet/août 1876...
(A propos de Kerjean: 2A599..1875, Kerjean est pilote-major à Brest, nommé en 1862, chef de station il n’a pas de bateau personnel, se sert de celui d’un autre pilote et seulement lorsqu’il est personnellement requis.)
Autres citations de Kervarec :
-19 octobre 1885, assistance du canot de sauvetage du Conquet Mallats-Desmortiers à la Maria, goélette de Sète, échouée dans les roches de Béniguet. Avec l’aide des canotiers, le bateau est renfloué. Kervarec, pilote du Conquet, est alors requis par le capitaine pour conduire le bateau à Brest.
-6 février 1887, assisance du même canot au vapeur anglais George Eliott. Le navire est échoué sur les Rospects. Kervarec à la barre du Mallats-Desmortiers sauve les 14 hommes d’équipage. Le vapeur est perte totale.
19 mars 1887, Kervarec reçoit la médaille d’argent de la S.C.S.N
MAGLOIRE MARIE LE BOUSSE
La charge de pilote NR1 laissé vacante par Le Goaster est reprise par un Molénais MAGLOIRE MARIE LE BOUSSE, né à Molène en 1855, fils de Bienaimé Le Bousse et de Angèle Masson.
Le Bousse sans doute comme aspirant-pilote, exerce d’abord avec une chaloupe de 7,16 mètres pour 4,37 tonneaux construite en 1882 aux chantiers Boënnec à Camaret. Le bateau s’appelle les Trois Frères, Magloire l’a acheté à son frère Hyacinthe, maire de Molène en 1889.. pour 300F
à l’état-civil du Conquet, le Bousse est bien pilote en 1891
A la chaloupe succède un sloup à arrière rectangulaire, Frère et Soeur.. 6,09 tonneaux, 7,97 mètres de long, 3,02 mètres de large, creux 1,53 mètre, construit en 1892 à Roscoff par Anselme Kerenfors et armé au pilotage au Conquet depuis le 11 avril 1892. En novembre de cette année là, le côté tribord du navire avarié dans l’accostage d’un bâtiment.
Le Bousse a reçu de la Reine d’Angleterre, une médaille d’honneur pour sa participation avec son bateau aux recherches de corps, à la suite du naufrage du Drummond Castle en 1896
En décembre 1896, le bateau a été démâté et la voilure avariée. L’accident, précise la note sur le rôle, est dû à la force du vent et du courant. Cela s’est passé à 1 mille dans l’ouest de Kermorvan.. Les réparations ont été effectuées à Camaret, mât, gui et bout-dehors neufs, grand-foc et trinquette neuve.
Le Bousse au centre en haut, en famille
La perte du Frère et Soeur.
Le Bousse se trouve le 23 janvier 1897 en attente de client, à 2 milles dans le sud-ouest des Pierres Noires, mer très grosse, grains fréquents et violents de neige, vent très fort de nordet. A midi et demi, il aperçoit un trois-mâts faisant route vers le Goulet de Brest, il le rejoint, propose ses services et monte à bord. Mais la manoeuvre se termine mal, le voilier norvégien abat involontairement dans un grain, ses cadènes de haubans crèvent des bordés du bateau pilote, toujours à couple. Les efforts de Le Bousse et de son équipage pour maintenir le bateau à flot semblent vains, ils se réfugient sur le Norvégien. Le Frère et Soeur, sans équipage, est en remorque du trois-mâts qui renonçant à embouquer le Goulet tire des bords entre Sein et les Pierres Noires. Vers 11 heures et demi du soir, à environ 10 milles dans le suroit des Pierres Noires, le petit sloup coule.... Le Bousse, son matelot Marcien Cuillandre, et son novice Jean François Danse sont donc restés à bord du Nordenskjold que Le Bousse a fini par entrer à Brest en fin d’après-midi du 24 janvier. Le navire est arrivé à quai à 19h.
Après la destruction du Frère et Soeur, Le Bousse fait aussitôt construire un autre bateau à Roscoff, la Reine Isabelle, LC 1313, un sloup non ponté de 8,37 tonneaux.. armé au Conquet le 30 avril 1897, matelots Ambroise Coquet et Marcien Cuillandre (lui-même aspirant-pilote). En 1906, Marcien Cuillandre né en 1869 à Molène est toujours matelot avec Le Bousse..
Reine Isabelle : toujours au pilotage avec Le Bousse en 1911
(Photo : la Reine Isabelle en carénage au Croaë)
Recensement de 1901:
Rue Dom Michel Le Nobletz dans une maison habitent :
Le Bousse Magloire, pilote, 46 ans, Coquet Ambroise, 28 ans aspirant-pilote, Cuillandre Marcien Marie 32 ans, aspirant pilote et leurs familles, en tout une douzaine de personnes
et dans la maison voisine on dénombre 37 personnes en 8 ménages, dont François Malgorn, l’autre pilote, avec sa femme et ses huit enfants, âgés de 16 ans à 3 jours.
1904, Magloire Le Bousse est élu conseiller municipal, on peut noter aussi qu’il était membre de l’équipage du canot de sauvegage.
Le Bousse reçoit sa lettre de nomination comme “Pilote Lamaneur” le 13 octobre 1908, il n’était jusqu’alors qu’aspirant-pilote. Il exerce jusqu’à la guerre 14. A sa mort, la Reine Isabelle et son canot sont estimés à 600F. Magloire Le Bousse était l’époux de Zéphiline Le Mao...
FRANCOIS MALGORN
FRANCOIS MALGORN: Né à Ouessant en 1853, il s’installe au Conquet en 1895 avec 5 enfants, 3 filles et 2 garçons ; 3 autres garçons et 2 autres filles vont naître au Conquet.. Les garçons seront l’un après l’autre matelots avec leur père)
II me semble que Malgorn est venu spécialement au Conquet pour reprendre la charge laissée vacante, cette même année 1895 par Kervarec, puisqu’il lui succède comme pilote Nr 2. Auparavant il était pilote à Ouessant 1889 à 1894 avec le bateau l’Etoile des Mers puis l’Anne-Marie durant très peu de temps, 29/12/1894 - 22/01/1895 Il débute aspirant-pilote au Conquet, où il est nommé le 10 décembre 1895
Son premier bateau au Conquet : le Saint-Joseph, LC1117, non ponté, construit en 1895 à Camaret.
Assistance au Bangor..
D’un article de “La Dépêche” du 6 février 1898. La Préfecture ayant reçu à 16h45, des télégrammes de Molène et Ouessant signalant que le 3-mâts français Bangor, mât de misaine et beaupré perdus, demandait des secours, position “dans le nord-ouest d’Ouessant, à trois milles dans le sud du Stiff” (sic) alertait les Vapeurs Brestois. Le temps d’allumer les feux du Travailleur, ce n’est qu’à 19h15 que celui-ci quittait Brest, aux ordres du capitaine Riou, accompagné du pilote Malgorn. Après de vaines recherches dans la nuit, retour sur Brest au matin.. Le Travailleur a rencontré alors de façon fortuite, le Bangor mouillé sous Bertheaume, il était accompagné du sloup ouessantin Commissionaire. La remorque fut alors passée et le convoi est arrivé à Brest sans encombres.
Perte du St Joseph
Malgorn est obligé un jour de 1901 de relâcher à Ouessant à cause de la tempête. Le mouillage de son sloup ne tient pas. Bateau et équipage sont jetés à la côte. Le Saint-Joseph est détruit sur les rochers du Goubars. Le pilote et son mousse (son fils aîné Daniel, âgé de 16 ans) sains et saufs, sont hébergés par des habitants de l’île. Perte 2 000F, Malgorn, père de 8 enfants est ruiné.
Cependant comme il a découvert et signalé une roche inconnue, près du passage des cuirassés dans le chenal du four, la marine lui vient en aide ... Malgorn peut racheter un bateau..
Son choix se porte sur le Clocher du Village, un sloup ponté LC 1498, 8,11 tonneaux, construit en 1898 ou 99 à Camaret, et qui était armé au bornage par J.F Stéphan à Ouessant. Acquisition du 17/1/1901. Ce bateau sera désarmé en 1915, faute d’équipage, pour cause de guerre.
En 1906, outre Daniel né en 1884 à Ouessant, le second fils Paul né en 1889 à Ouessant est aussi embarqué avec le père.
Pendant la guerre, François Malgorn se rabat sur un plus petit bateau, la Sainte-Marie, LC 3319 4,26 tonneaux, construit en en 1914 à Camaret, qu’il loue un Conquétois mobilisé, Toquin, habitant au Croaé. Armement au pilotage du 9 septembre 1915...
Note écrite qui m’a été communiquée par une dame de la famille Malgorn..
Pilotage du Kléber en 1917.. “.. le pilote François Malgorn est arrivé au Conquet en 1895... ensuite le pilote de Molène monsieur Le Bousse vint aussi au Conquet et fut associé avec le pilote Malgorn.. Ils étaient en danger pendant guerre 14-18, car ils pilotaient tous les bateaux pour les conduire à Brest. En 1917, un grand paquebot le Kléber rentrait de Dakar avec des troupes pour Brest*. C’était au tour du pilote Le Bousse de monter à bord et de le conduire, mais le pilote Malgorn étant plus actif le remplaça. Il indiqua la route qu’il avait faite si souvent, mais le commandant lui dit alors qu’il avait l’ordre de prendre une autre route et le paquebot Kléber sauta sur une mine. Il y eut des naufragés et des tués, Malgorn fut pendant deux heures à nager. Il fut recueilli ainsi que d’autres par un remorqueur venu de Brest sur les lieux. Il avait alors son beau-fils Gabriel Quéméneur et le plus jeune de ses fils commes matelots.. (Gabriel Quéméneur se perdra corps et biens avec son petit bateau de pêche en 1940)
*Le Kléber n’était pas un paquebot, mais un croiseur-cuirassé français de 7 700 tonnes, sorti de Dakar le 16 juin 1917 pour Brest. Dans leur très complète et très passionnante étude sur le naufrage du Kléber, à lire dans Mémoires englouties, Plongées - Histoires sur les épaves du Finistère. ASEB Editions 1994, Bruno Jonin et Paul Marec commentent :
“Mercredi 27 juin à 3h40, les hommes de veille du Kléber aperçoivent les premiers éclats affaiblis du phare des Pierres Noires.. à 4h50 le commandant fait stopper pour embarquer un pilote et le bâtiment reprend sa route à douze noeuds cap sur le chenal de sécurité.”.. à 5h30.. le croiseur cuirassé est secoué par une terrible déflagration, il heurté une mine… puis plus loin ... après l’évacuation, “ Le commandant Laborio est resté seul à bord... le pilote ne l’a quitté qu’au dernier moment, lorsque l’eau a atteint le niveau de la passerelle inférieure... s’agit-il bien de Malgorn?
L’épave du Kléber se trouve à 1 mille ouest-sud-ouest de Basse Royale.. Cela voudrait dire que Malgorn parti du Conquet bien avant l’aube était déjà en croisière au large des Pierres Noires vers 4 heures du matin avec son petit sloup la Sainte-Marie. Pourquoi pas, si des convois ou des navires isolés arrivaient quasiment chaque jour, et puis le temps n’était pas mauvais en cette fin juin.
Le fait qu’un civil soit resté jusqu’au dernier moment à la timonerie s’explique : selon les auteurs du récit mentionné, Laborio en un premier temps a envisagé d’aller échouer son navire au Conquet et en un deuxième temps de le faire remorquer par l’Inconstant dans cette direction, le pilote Malgorn pratique du lieu, n’était pas superflu aux côtés du commandant pour mener à bien cette tentative.
Malgorn prend sa retraite en 1920, et retourne à Ouessant où il fait la petite pêche. Il décéde à 81 ans en 1934.
Bateaux pilotes dans le port du Conquet vers
1905-1910. Le M2 est un un Molénais.
JEAN QUEMENEUR
JEAN QUEMENEUR, pilote Nr1 , Né à Landéda en 1877, fils de Alain Quéméneur et de Marie Yvonne Floc’h, époux de Marie Le Guen. Il était le frère du Gabriel Quéméneur, gendre de Malgorn cité plus haut. C’est tout naturellement qu’il vient remplacer Le Bousse.
Il commence avec un trop gros bateau : le Trois-Frères, 16,37 tonneaux, LC3453, construit à Camaret en 1907, dont il se sépare très vite (armement seulement du 20 avril au 20 sept 1917)
Armement du Trois Frères pendant la guerre 14-18.. (désarmements de 1917), Quéméneur a comme matelot Jean Louis Miniou, l’ancien patron de la Louise et comme novice le fils Miniou Louis Marie.
Trois-Frères, ex Camaret C1304, inscrit Le Conquet le 20 avril 1917, puis LC3453, a été vendu à Concarneau, est devenu le 7 juin 1918 le CC1281..
Quéméneur va continuer avec la Clara-Yvonne, sloup ponté de 10,70 tonneaux, construit à Camaret en 1912, navire de pêche ayant appartenu à Aristide Lucas...
Un billet attaché au rôle du bateau nous indique les gains de la Clara-Yvonne.
Du 27 septembre 1919 au 26 septembre 1920
Gain total au pilotage: 16 983F
Dépenses équipage et bateau 12 900F
Gain net au pilote . 4 083F
La Clara-Yvonne perdue corps et biens
Le 6 novembre 1923, le pilote appareille dans la tempête avec ses deux matelots (c’est dimanche, le mousse est resté à terre). Désemparée quelquepart entre le Bilou et Penzer, la Clara-Yvonne chavire, et coule... Des épaves sont retrouvées à la côte de Porsliogan. Quelques jours plus tard, le 13 novembre, un scaphandrier opérant à partir d’un remorqueur de la Direction du Port localise le bateau naufragé. Renflouée la Clara-Yvonne est ramenée dans le port du Conquet et échouée à proximité de la digue St Christophe.
Le corps d’un des matelots est retrouvé rapidement, celui du second matelot, Jean Gouzien époux de Marie-Marguerite Le Boité et celui du patron Quéméneur ne le seront pas... La régularisation d’Etat-Civil par jugement du Tribunal de Brest ne surviendra qu’en décembre 1924
La Clara-Yvonne en régate, été 1923
. (Photo Desparmet)
JEAN FRANCOIS MARIE LE BOITE
JEAN FRANCOIS MARIE LE BOITE, pilote Nr 2, reçu en 1921.
Fils d’un “Paimpolais” de Ploubazlanec, il est né au Conquet le 24-3-1881
Mousse, novice, puis matelot à la pêche depuis 1894, il navigue à la côte et au large puisqu’il participe aux expéditions aux Scillies dès 1903 avec le sloup “Deux Frères”, dont il deviendra patron en mars 1907.
Les souvenirs de Jean François Marie Le Boïté ont été recueillis par son fils François qui me les a racontés il y a quelques années. Monsieur Marcel Le Boïté, en 1997 m’a également communiqué un important dossier sur le dernier pilote conquétois.
Les prémices de son futur métier de pilote, on peut les trouver lors de son incorporation au service militaire dans les guetteurs-sémaphoristes en 1901, un an passé à Créach-Meur.
Rendu à la vie civile, il retourne à la pêche comme patron, mais doit désarmer son bateau “Vierge de Massabielle” quand il est mobilisé en octobre 1914. Il se retrouve guetteur au sémaphore du Parc au Duc à Brest, puis en janvier 1916 à Saint-Mathieu et ce, jusqu’en avril 1918 .
“Toujours dans des mois de novembre, j’ai passé des tristes jours et des tristes nuits.. le 19 novembre 1916, on m’avait envoyé à pied au Conquet pour prévenir le patron Le Goaster du canot de sauvetage, qu’il y avait un bateau qui faisait des signaux de détresse dans le sud-ouest de l’île Trielen.. Le Goaster m’a demandé si je pouvais faire partie de l’équipage pour lui indiquer où se trouvait le bateau car il était deux heures du matin. Nous sommes sortis avec un équipage de fortune, composé d’hommes vieux, et où j’étais moi-même volontaire. Temps affreux, gros grains de grêle, nous sommes rentrés vers 8 heures du matin, transis de froid. le canot de Molène venu sur les lieux avant nous avait sauvé les 26 hommes d’équipage”.
1916, Naufrage du Tenbergen, Le caboteur hollandais Tenbergen fait route de Buenos-Ayres vers Rotterdam avec un chargement de blé. Les réserves de charbon s’épuisant, le capitaine Van Twisk pense d’abord gagner Falmouth, mais ralenti par le mauvais temps, il se déroute vers Brest. Le dimanche 19, de midi à cinq heures du soir il cherche les Pierres-Noires sans les trouver, le temps est bouché et il pleut. Il lance une fusée bleue pour demander le pilote... en vain.. Vers sept heures du soir, n’ayant plus de charbon ou presque Van Twisk fait tirer une fusée rouge pour demander assistance. Il semble que le temps se soit éclairci car les sémaphores de Saint-Mathieu et de Molène la voient et demande par télégraphe, la sortie des canots de sauvetage du Conquet et de Molène. Celui du Conquet, le Lieutenant Pierre Géruzez ne peut dépasser Béniguet, la mer étant démontée. Pendant ce temps (vers 21h30), le bateau est parti s’échouer sur Ar C’hal Bouchou, à trois milles dans l’ouest-nord-ouest de Béniguet. A marée descendante le navire qui risque de se casser est évacué. Une chaloupe est avariée lors de sa mise à l’eau, un lieutenant se noie. Le canot de Molène, patron Aimable Delarue, arrivé sur les lieux, prend à son bord 18 personnes et fait route sur l’île. Le canot du bord où ont pris place le capitaine et onze hommes erre dans la nuit et la tempête, bientôt il s’échoue sur une roche. Toute la nuit la baleinière reste rouler et talonner sur le récif. Au matin alors qu’ils allaient trempés et transis, se risquer à abandonner le canot pour gagner le caillou à la nage, les naufragés ont été aperçus par le sloup Albatros et recueillis par lui.
Le Tenbergen qui a coulé est perte totale. Registre de l’Inscription Maritime du Conquet: Tenbergen, Hollandais, vapeur, 6000 tx, de Buenos-Ayres sur Rotterdam avec 6000 tonnes de céréales, s’est échoué par temps clair et mer grosse sur la Basse Bouchou, équipage 30, 1 disparu, erreur de route.
Suite des mémoires de Jean François Le Boïté.
“ Un jour le pilote du Conquet vient me demander si je veux embarquer comme matelot à bord de son bateau, je réponds que oui, mais qu’il faut faire une demande auprès des autorités maritimes en passant par mon amiral qui est Barthe. J’ai été admis à embarquer immédiatement sur le bateau-pilote, patron Quéméneur Jean (22 avril 1918). Dès que les convois se présentaient, nous sortions du port du Conquet pour offrir nos services et comme il y avait beaucoup de bateaux dans les convois, qu’il n’y avait pas assez de pilotes pour les conduire et que beaucoup des capitaines ne connaissaient pas la baie de Roscanvel, surtout les étrangers, faute de pilotes ils prenaient les matelots pour les conduire. Ils avaient tous leurs échelles de pilote le long du bord car à ce moment-là ils ne stoppaient pas, mais diminuaient seulement de vitesse. Il fallait être dégourdi pour attraper l’échelle au passage, puis conduire le bateau en lieu sûr… Je parle en ce moment des convois venant du nord, car il y avait deux convois, le second étant celui d’Amérique qui était composé de plus gros bateaux. Je me suis vu embarquer trois fois de suite sur un gros pétrolier norvégien que j’ai conduit en rade de Roscanvel avec les félicitations du capitaine. J’arrive à vous dire qu’il m’est arrivé de rentrer le Léviathan (ex Waterland). 1l s’est présenté dans le sud de Saint-Mathieu par temps de brume, il a stoppé et bien qu’il soit escorté de cinq torpilleurs je me suis présenté le long du bord et j’ai dit à l’officier qui était au sabord bâbord à la coupée, que je n’était pas pilote mais que je pouvais conduire le bateau à Brest. On me fit embarquer et j’ai piloté le bateau qui avait 7 000 soldats à bord, jusqu’à Brest, sans anicroches..
Photo du Léviathan, ancien paquebot allemand. (Source Internet)
J’ai vu également quelques jours avant l’armistice du 11 novembre 1918, arriver un convoi de 14 paquebots venant d’Amérique à qui nous avons offert nos services… aucun n’a stoppé pour nous prendre vu le temps qu’il faisait. Seulement nous avions le droit de pilotage qui nous revenait... (nous les avons donc suivis) ... Arrivés sur rade de Brest, ils nous ont donné des bons comme s’ils avaient pris le pilote.. nous sommes restés sur rade toute la journée, puis le pilote (Quéméneur) ayant à faire à Brest, j’ai pris le commandement pour ramener le bateau-pilote au Conquet. Nous y sommes arrivés vers 2 heures du matin le 12 novembre.”
Le Boïté continue à naviguer comme matelot sur la Clara-Yvonne jusqu’à sa démobilisation qui survient le 6 février 1919.
Avec l’aide d’une équipe d’ouvriers de l’Arsenal de Brest mise à sa disposition, il remet en état son sloup et reprend le métier de pêcheur, pas pour longtemps car le 14 avril 1921 il est nommé aspirant-pilote, et devient le pilote Nr 2, concurrent de son ancien patron Quéméneur (qui se perdra corps et biens avec la Clara-Yvonne en 1923).
En 1922, “ancien second-maître de manoeuvre”, il se voit délivrer le diplôme de patron au bornage. Ce qui lui permet de faire du transport de marchandises en période creuse de pilotage.
Comme toutes les générations de pilotes et aussi de pêcheurs au Conquet, il a du mal à trouver le bateau idéal, pour un port d’échouage, avec des fonds durs et du ressac. Le bateau bon marcheur et qui échoue bien sur béquilles, sans souffrir, est denrée rare..
Les débuts comme pilote professionnel, Le Boïté les effectue avec la Vierge de Massabielle, surnommée par les jeunes filles de l’école religieuse “M. de mouche à miel” dixit Z. Causeur.
Avec la Vierge de Massabielle, sloup de 12,16 tonneaux, construit pour lui au Conquet par le chantier Pierre Belbéoc’h en 1910, Le Boïté a fait la pêche au large (nombreuses campagnes aux Scillies) ... Le bateau a quinze ans quand il s’en sépare en novembre 1925 pour l’Etoile du Matin 12,40tx, le choix n’est pas bon, car il décide de commander un bateau neuf à Camaret. Vente de L’Etoile du Matin LC 4556, à Hélou François d’Audierne le 6/11927.
Le nouveau bien plus petit, nommé Nd de Bonnes Nouvelles*, LC4766, 6,41tx, moteur Baudouin 10 cv, est construit en cinq mois, pendant lesquels Le Boïté exerce son métier à bord d’un bateau d’emprunt, le Va-et-Vient..
En 1926, Gabriel Quemeneur, né en 1873 à Landéda, est matelot avec Le Boïté.
FERMETURE DE LA STATION DE PILOTAGE DU CONQUET.
La nouvelle organisation du pilotage incorpore les stations de Molène, Sein, Portsall et Le Conquet à celle de Brest 12 mai 1927...
Répondant au critère des moins de cinquante ans, Le Boïté rallie le quai de la Santé, comme aspirant-pilote N° 7, il y sera patron-pilote de l’Emilie, du Sago, de la Marie-Madeleine, et de La Parquette, jusqu’à son départ en retraite en 1937. Un an plus tard il est fait chevalier du Mérite Maritime.
Le sloup de Le Boïté rejoint aussi le pilotage à Brest.
*Nd de Bonnes Nouvelles, vendu le 20 septembre 1927 à Le Gac Yves du Conquet, puis vendu aux enchères par monsieur Roux huissier à Saint-Renan le 24 mars 1929, acquis par Pilotage Brest le bateau est devenu Brest f°955, n°2855.
A mentionner: C’est Le Boïté qui a sorti de Brest et conduit jusqu’aux Pierres Noires le Padua, grand quatre-mâts barque allemand, celui-ci était venu à Brest embarquer cinéastes et comédiens qui devaient tourner à bord des séquences du film les “Mutinés de l’Elseneur” (1er novembre 1936 ?)..