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28 janvier 2014 2 28 /01 /janvier /2014 14:35

Le fondateur du domaine, Jules Alexandre Petitcuénot

 

A l’entrée du cimetière de Lochrist un caveau de famille accueille le visiteur arrivant par la place du hameau. Sur son fronton rien, à l'intérieur une plaque : Petitcuénot

Le monument est bien entretenu, cependant le souvenir de cette famille semble avoir disparu de la mémoire conquétoise.

C’est dans le passé de Ker an Aod qu’il faut enquêter.

 CAVEAU.JPG

Le cadastre de 1841 sur la hauteur à gauche depuis Portez jusqu’à la pointe des Renards, comporte une collection de champs, pâtures et terres labourables, relevant de différents propriétaires. La batterie des Renards sur la pointe restera le seul « bâti » jusqu’à l’édification du sémaphore du Cruguel en 1861.

 

Vers la fin du XIXe siècle, Le Conquet, écrit le maire Hippolyte Levasseur en 1888, « est une station de bains de mer très fréquentée dans l’été ». En effet des Brestois mais aussi des « Parisiens » commencent à y édifier des villas,  par exemple « Ker Mor Vraz »  près de Sainte-Barbe, la première bâtie sur la corniche, c’est aussi le cas de Jules Alexandre Peticuénot qui, par l’acquisition de parcelles au-dessus de Portez vers    KER-MOR-VRAS.jpg 

 

 la pointe des Renards, se constitue un vaste domaine (achat à Hortensius Tissier  en octobre 1890 des numéros 530, 531, 538, 563, 571, 572), sans doute pour compléter un ensemble de terrains déjà en sa possession car la vaste demeure qui vient d’être construite, désormais baptisée Ker an Aod, (maison de la plage), héberge au recensement de 1891, Jules Petitcuénot, 55 ans, propriétaire, son épouse Jeanne 38 ans, leur fille Marie 14 ans, plus Eulalie Bailly, institutrice, une jeune anglaise Mona Gertrude Somers 17 ans, deux cuisinières Mathilde Forment et Adélaïde Agombart et, un domestique Jean Marie Lainé.

En 1892, un mur de clôture est construit, enserrant le domaine.

 

Un malheur frappe la famille car madame Petitcuénot : Marie Hortense Jeanne Thibault, née à Paris, meurt le 7 septembre 1893, âgée d’un peu plus de 40 ans. Le décès est déclaré à la mairie par Edouard Brousmiche  médecin principal de la Marine en retraite, commandeur de la Légion d’Honneur, bienveillant, et par Hippolyte Deurbergue propriétaire, cousin de la défunte. Ces deux messieurs sont en villégiature au Conquet. L’acte d’état-civil est cosigné par Henry Pethiot adjoint-maire, médecin au Conquet.

En 1893, une épidémie de choléra sévit au Conquet et dans les îles de l’archipel de Molène, mais rien de prouve que madame Petitcuénot ait été emportée par ce mal.

 KER-AN-AOD.jpg

 

 

Jules Alexandre ne quitte pas Conquet, en 1896, il habite toujours Ker an Aod avec sa fille Marie, la jeune anglaise et deux domestiques. En novembre de cette année-là il est en concurrence avec un conducteur des Ponts et Chaussées pour l’aliénation du terrain de l’ancienne chapelle Sainte-Barbe. Ce dernier, Henri Riou devant quitter Le Conquet il semble que Petitcuénot ait pu faire affaire en 1897.

 

Dans les années qui suivent,  Jules Alexandre Petitcuénot et sa fille abandonnent leur résidence du Conquet. La grande maison de Ker an Aod n’est plus habitée (recensements de 1901 et 1906) que par Jean-Louis Jézéquel et Mathilde Forment, domestiques.

  

Ker an Aod passe à la famille Deurbergue (alliée des Petitcuénot)

 

Le dénombrement de 1911, nous indique que les seuls occupants permanents sont toujours Jean Louis Jézéquel né en 1862 à Trébabu, domestique  et Mathilde Forment née en 1864  à Edamps (Eure), chef gérante pour monsieur Deurbergue domicilié à Versailles, 5 rue Jacques Boyceau. Donc Ker an Aod a changé de mains, c’est le cousin de la défunte madame Petitcuénot qui en est le nouveau propriétaire.

 

Les Deurbergue sont imprimeurs à Paris, j’ai noté mention d’anciens plans de Paris, auteur Franklin Alfred sortis en 1880  des presses d’Hippolyte Deurbergue, typographe, pour Léon Willem libraire. Le fils, Hippolyte Alfonse Deurbergue, dont il est question ici est marié avec Marie Cécile Jeanne Petitcuénot.

 

Les propriétaires ne  résident pas au Conquet, Ker an Aod fait l’objet de locations, surtout l’été. Deurbergue possède en outre en immeubles de rapport, la villa Dom Michel, plus une maison neuve construite en 1912-1913 à droite de la route menant de la ville à Portez, (actuel N°7 rue Sainte-Geneviève), et une autre à Kerlohic.

 La-plage-de-Portez_-09.jpg

(En haut à droite, la "Maison neuve")

 

La saison 1913 fait le plein de touristes au Conquet, les trois hôtels sont complets, (hôtel Sainte-Barbe, hôtel de Bretagne et hôtel du Port). La villa de Ker an Aod est très sollicitée, sur la liste d’attente en cas de désistement, on trouve le capitaine de frégate Duperré alors logé à l’hôtel Continental à Brest. Ker an Aod est décrite comme très vaste, possédant plusieurs chambres à coucher, cuisine, salle à manger,  laiterie, grand jardin clos de murs, et avoisinant la grève de Portez.

 

 Les autres villas cossues attirent aussi les estivants, Ker Mor Vras peut se louer juin, juillet, août pour 1 000 francs, mais sans linge ni couverts, elle comporte 12/13 pièces. La villa Taburet près de la gare du tramway, offre 7 lits dans 11 pièces, possède garage et remise, location à 700  francs, la villa Dumezin en sortie de ville au bout sud de la rue de Kerdacon (aujourd’hui angle des rues de Verdun et Le Gonidec) est proposée à 500  francs du 1er juillet au 29 septembre, meublée. Le propriétaire monsieur Dumezin habite Le Pressoir en Boutigny dans la Seine et Oise.

(Pour mémoire, le tramway électrique entre Brest et Le Conquet est en service depuis 1903 et le vapeur Travailleur assure un service régulier avec Molène et Ouessant, ce sont deux atouts touristiques importants).

 

Un détour par Quimper, le bouton à quatre trous

 

Dans le courant de cet été là, le notaire Andrieux du Conquet fait passer une note à monsieur et madame Deurbergue, à Kerbernez, Quimper. Ce domaine (en Plomelin) a été acheté en 1884 par Alexandre Massé, manufacturier, et son épouse Julie Petitcuénot,( sans doute une soeur à madame Deurbergue) pour y fonder un orphelinat et une école d’agriculture et d’horticulture. Le Quimpérois avait bâti sa fortune avec une invention simple, le bouton à quatre trous, d’une bien meilleure tenue que celui à deux trous, ce qui avait ouvert à son usine parisienne des marchés internationaux lucratifs.

 

Revenons à Ker an Aod, je ne pense pas que Deurbergue y vienne bien souvent, toutes les locations, travaux etc ... se font par l’intermédiaire du notaire Georges Andrieux qui se charge aussi de percevoir les loyers. Une seule fois entre 1912 et mi-1914, le notaire prévient un futur locataire que le propriétaire souhaite passer quelques jours au début août au Conquet. Conquet58.jpg

A droite le mur de Ker an Aod sur la corniche "Beg al louarn"

 En haut à droite, à nouveau la "maison neuve"

 

 

La famille Deurbergue, vend en 1925 la propriété de Ker an Aod aux de Blois,

 

Charles Joseph Marie de Blois était un descendant de la maison de Châtillon, c’est-à-dire du « bienheureux » Charles de Blois prétendant à la couronne ducale de Bretagne, mort de ses blessures  pendant la guerre de Succession, à la bataille d’Auray en 1364.  Son épouse, Marthe Marie Mathilde de Saint-Pol avait pour lointain ancêtre le connétable de Saint-Pol, qui eut un destin tragique sous Louis XI. Le mariage a eu lieu le 11 décembre 1907 en l’église cathédrale d’Orléans.

 

En 1940 l’armée allemande réquisitionne la maison et les terres pour y loger 30 sous-officiers et soldats et 6 chevaux. Plus tard ce sera une résidence pour officiers de la Kriegsmarine.  Son infirmerie accueillera les blessés de l’Enez-Eussa mitraillé sous pavillon allemand, par des avions anglais le 10 avril 1943.

 KER-AN-AOD-DE-BLOIS---Copie.jpg

Les de Blois récupéreront leur bien à la Libération  mais leur fils, Gérard Ghislain de Blois, qui disait au Conquet en juin 1940 : « Moi je ne veux pas aller planter des patates en Poméranie! », sous-lieutenant au Bataillon d'Infanterie de Marine du Pacifique, mortellement blessé au combat dans la région de Hyères après le débarquement en Provence, est décédé  le 23 août 1944 à l’ambulance chirurgicale légère de la 1ère division française, 15e RTS. Mort pour la France son nom est gravé sur le monument aux morts du Conquet.

                                                        

                                                                        JPC.  Décembre 2013

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