Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
26 février 2009 4 26 /02 /février /2009 10:51

FETES MARITIMES - BENEDICTIONS DE LA MER
 

Je n’ai pas connaissance de "fêtes de la mer" au Conquet avant le début du XXe siècle.
A partir de 1900, et surtout 1903 avec la mise en service du tramway, les Brestois viennent nombreux sur la côte le temps d’un dimanche, ou d’un jour férié,  des estivants s’installent dans les hôtels pour des séjours plus longs. Voilà un public de choix pour un spectacle « maritime ».

 
Au Conquet, la pêche locale vient d’évoluer de façon radicale. Les derniers « Paimpolais » à passer la saison estivale à l’île de Sein, ont en 1898-99 renoncé à leur migration. Il y a trop de pêcheurs aux abords du raz, et la ressource en langoustes et homards est quasi épuisée.

Dans le sillage des Camarétois, les Le Goaster, Lucas, Gendrot… ont fait l’acquisition de langoustiers capables d’affronter des campagnes au large (Rochebonne, puis Espagne et Portugal), pouvant durer plusieurs mois. Les préparatifs de leur première marée de l’année sont suivis avec intérêt.


(Je reprendrai bientôt toute l'histoire de la pêche au Conquet dans ces colonnes

Une tradition naît : la bénédiction de la flottille devant le quai du Drellac’h, à Pâques. En principe le lundi, mais le jour de la bénédiction peut varier, ainsi en 1913, on lit dans la presse : dimanche 23 mars, bénédiction de la mer au Conquet : « suivant une tradition pittoresque qui en dehors des fidèles attire nombre de visiteurs, dimanche vers 3 heures, à marée haute,  a eu lieu la bénédiction de la mer. A la sortie des vêpres, le clergé y a procédé en procession. A cette occasion tous les bateaux du port avaient arboré le grand pavois. L’affluence fut d’autant plus grande que le soleil a pris part aussi à la cérémonie. »

 


Le matin avant la cérémonie de bénédiction de la flottille, quatre grands sloups pavoisés au sec sur béquilles devant le quai du Drellac'h.


Puis l’été, ce sont les fêtes nautiques qui attirent les foules. Les premières régates du Conquet sont dues à une initiative de monsieur Desparmet (propriétaire de la maison des Seigneurs), et de monsieur Casanove, administrateur de la Marine. La première manifestation a eu lieu le dimanche 24 septembre 1905. Les bateaux de pêche suivant leur longueur ou leur tonnage, sont classés en séries.  Les canots goémoniers font une course à part. La commission des régates comprend outre les deux personnes citées plus haut, monsieur Pesquer, le maître de port.


Monsieur Desparmet à bord de la Gracieuse, sloup de pêche de Pierre Marie Le Goaster (Pierrot), qui est aussi patron du canot de sauvetage. Debout au premier plan Albert Le Goaster. (Remarquer au centre le banc creux avec le corps de pompe de cale en bois)

Les années suivantes la fête se déroule plutôt en août. En 1906 par exemple, le 19 août attire une foule considérable. Le temps est splendide, la Compagnie des Vapeurs Brestois a organisé un service spécial de bateaux à partir de Brest. Les tramways électriques décorés et pavoisés partent toutes les demi-heures de Saint-Pierre-Quilbignon. Cette année-là, la fête commence le matin par un lâcher de « montgolfières à surprises », des drapeaux nationaux ou multicolores fleurissent aux fenêtres. Deux torpilleurs de la Marine, le 161 et le 136, sont mouillés sur rade. Leurs youyous participeront aux courses à l’aviron.

Les participants sur l’eau sont nombreux, tous les patrons conquétois aiment s’affronter dans ces joutes où chacun veut prouver que son navire est le meilleur et qu’il est le plus fin barreur.

 

Cette année-là, la régate des plus grands voiliers pontés et des bateaux pilotes, voit la victoire de la Reine de France à Pierre Le Goaster, devant le Saint-Michel à Théophile Bernugat, le troisième étant la Germaine à Yves Lucas. Pour les gabares parties de Lanildut, c’est la Vierge de Trézien à Le Vourc’h qui coupa en tête la ligne d’arrivée.

 Les yachts de plaisance avaient eu leur départ donné à Brest, c’est le docteur Gahinet, à bord de l’Ael qui a rallié le premier Le Conquet, il s’est vu remettre une médaille de vermeil offerte par le ministre de la Marine.

 

Tout au long de la journée, la fanfare de Saint-Pierre-Quilbignon installée sur la terrasse de l’hôtel Sainte-Barbe, anima la manifestation tandis que le public installé sur les rochers de la pointe, suivait le déroulement des  courses à l’aviron et à la godille, des courses de radeaux, des courses aux canards, et les régates de modèles réduits.

 

En soirée, tous les bateaux ont été illuminés, les spectateurs ont pu assister à un embrasement de la presqu’île de Kermorvan, puis la fête s’est achevée dans la nuit, par une retraite aux flambeaux.

 

L’été 1908, une colonie anglaise, la « Coop Holidays Association » en villégiature à l’hôtel Sainte-Barbe, fera bénéficier la fête de son orchestre. Les musiciens de « Sainte-Cécile » régaleront le public de plusieurs concerts.

Pour attirer les foules au Conquet, une affiche dessinée par un nommé Morin avait été tirée et placardée à Brest et alentour. Elle représentait des bateaux en course autour de Kermorvan. (Quelq'un en a-t-il une copie?)

Le jury des régates avait pris place à bord de la « Louise ». Au coup de sifflet du départ, les équipages hissaient les voiles et filaient à toute vitesse vers la première marque du parcours. Cette fois c’est Henri Minguy, patron de la Fleur du Pays qui l’emporta.

 

Les dernières régates avant la guerre 14-18, se déroulèrent le dimanche 17 août, c’est encore la Reine de France qui l’emporta, Pierre Le Goaster se vit remettre une longue-vue et une gratification de 30 francs. Le bateau-pilote N°2 de Brest finit second et le 3e fut le Cosmopolite à Emile Gendrot. En tête de la deuxième série c’est Emile Menguy qui gagna (une médaille et 30 francs) avec la Providence, un sloup tout neuf, lancé en avril au chantier Belbéoc’h du Croaé.



Sur ce détail de carte postale d'avant 1914, on distingue une foule dense tout au long du mur supérieur, dans la descente vers la cale, et sur le môle. Le public est sans doute là dans l'attente de la mise à l'eau du canot de sauvetage pour une bénédiction de la mer. Autour des navires de pêche au mouillage s'affairent des canots. Le grand bateau blanc est sans doute la Reine de France. Blanc parce que traditionnellement les Paimpolais avaient des bateaux blancs contrairement aux Camarétois et aux Conquétois qui peignaient leurs navires en noir.

 

Interrompues pendant la Grande Guerre, les fêtes maritimes ont repris au Conquet dans les années suivant l’armistice de novembre 1918

 

Le 7 août 1921, en plus des attractions habituelles, la Société Centrale de Sauvetage des Naufragés (SCSN), a organisé une démonstration d’assistance à un bateau en difficulté.  Le petit sloup du patron Guillou, simulait une détresse sur rade. Le canot de sauvetage « Lieutenant Pierre Géruzez », rapidement sorti de son abri et mis à l’eau à la cale Saint-Christophe, a rejoint le goémonier et l’a remorqué jusqu’au môle sous les applaudissements du public.




 
La semaine suivante, un banquet présidé par l’amiral Guépratte a été organisé au Conquet, le député du Finistère voulait se faire expliquer les détails de la construction du futur môle Sainte-Barbe. (J'en reparlerai)

 

En attendant le départ des régates en 1923, (photo collection Desparmet). Le sloup noir LC 3169 est le Talisman, non ponté, construit au Conquet chez Belbéoc'h en 1912, armateur  Félix Laurent de Paris, patron Jean Marie Bernugat.



Départ de régate entre 1926 et 1928, la digue Sainte-Barbe où flotte un pavillon marqué RC sans doute "Régates Conquétoises", est achevée et le voilier le plus proche est l'Oiseau des Mers, LC 3296, désarmé au Croaé en 1928 par Louis Minguy.

Dans les années 1930-35, les fêtes maritimes du Conquet ont toujours autant de succès. Le journaliste du Courrier du Finistère écrit : « Un écho du Conquet, cet après-midi encore (dimanche 13 juillet 1930), la cérémonie de la bénédiction de la mer terminée, mes oreilles ont été très agréablement alertées par les premières paroles du Bro Goz Ma Zadou. De ma fenêtre, j’ai aperçu quittant la cale, un grand cotre dont le pont était garni d’un essaim de jeunes filles. Plusieurs portaient la coiffe de Douarnenez. C’était vraiment ravissant d’entendre ce chœur jetant aux échos de nos côtes, profondément déchiquetées par les vagues, ce vieux chant de nos pères. L’effet était grandi par l’éloignement progressif du bateau gagnant le large. Aux voix de femmes se mêlaient quelques voix d’hommes au timbre plus grave. Les gens massés sur les quais se sont mis à applaudir. Le spectacle en valait la peine. Le matin j’avais assisté au débarquement fait par des canots, la marée étant trop basse pour permettre au cotre de venir à quai. J’avais remarqué des prêtres et des religieuses du Saint-Esprit, d’où je déduis que ces jeunes filles sont membres d’un patronage. Monsieur l’aumônier Aubert, de l’Ecole Navale, a fait un sermon approprié au milieu dans lequel nous vivons. Beaucoup d’étrangers étaient venus jouir du coup d’œil. »



En attendant le départ sans doute en 1932, au premier plan à gauche, le sloup sous foc, grand-voile et flèche, BR 5428 est la Reine des Flots qui appartient à François Marie Balcon, originaire de Plouguerneau. Le plus proche au second plan est le Janua Coeli, à Michel Guillimin.
Le nouveau canot de sauvetage à deux moteurs, Nalie Léon Drouin, présent sur le plan d’eau sera baptisé à la fin de ce même mois. (Photo collection Georges Taburet)

Une remarque : en 1930, le quartier maritime du Conquet a été supprimé par les Affaires Maritimes. L'immatriculation en "LC" a alors été remplacée par le "BR" toujours utilisé.

Les régates de mi-  août 1932, présentent une particularité, celle d’une course de bateaux à moteur. Guillaume Pors l’emporte avec la Victorieuse du Courant, le Vigilant Insulaire conduit par Yves Floch finit deuxième, la troisième place revient à l’Avenir des Orphelins de Fernand Tabardour.

 





















  Le Vigilant Insulaire dont la coque vient d'être repeinte

 



















La photographie ci-contre aurait été prise en 1935. Peut-être est-ce là la dernière régate à voiles de bateaux de pêche au Conquet ?

En 1937,  la bénédiction de la mer se déroule le 4 septembre. Après les vêpres, une foule impressionnante se masse autour de la pointe Sainte-Barbe. Le révérend père Roussel qui s’occupe spécialement des secours maritimes prononçe une allocution. Ensuite le clergé prend place sur le bateau de sauvetage Nalie Léon Drouin conduit par le patron Aristide Lucas assisté du sous-patron Morvan et de son équipage. Il passe dans le port et l’avant-port où les bateaux étaient mouillés et pavoisés.
Il semble qu’il n’y ait plus à cette époque de régates de bateaux professionnels, mais seulement des jeux nautiques, courses à la godille, courses à la rame, natation.

 

Fêtes maritimes depuis 1945


Après le second conflit mondial, la motorisation généralisée des navires met fin aux régates de voiliers de pêche. Le monde maritime se réunit désormais autour de « Bénédictions de la Mer ». Très prisées par les familles et les amis des marins au temps où tout le monde pouvait tenter de se trouver une place à bord de navires déjà bondés, our un petit tour en mer.
Ces "bénédictions" ont perdu de leur attrait depuis que les règles de sécurité limitent à l’équipage et quelques invités, le nombre de personnes à bord des navires.                                                                                                                                                 






Avant le départ pour la bénédiction de la mer au Conquet en 1970.
Les canots Patron Aristide Lucas du Conquet, Patron François Morin d'Ouessant, Taï de Camaret et Jean Charcot de Molène sont à quai à la cale Saint-Christophe




Regroupement devant la pointe des Renards, en attendant que la gerbe "Aux péris en mer" soit lancée depuis le canot de sauvetage du Conquet.

On peut multiplier les photos et articles de presse concernant les bénédictions de la mer. J'y reviendrai à propos d'un article sur les canots de sauvetage, sachant qu'aujourd’hui et on peut le regretter, seuls quelques rares navires de pêche et un petit nombre de navires de plaisance accompagnent le canot de sauvetage et les canots de sauvetage invités, lors du traditionnel dépôt de la gerbe à la mer, pendant  la fête annuelle de la SNSM.


Les fêtes de la mer "récentes" au Conquet

Gouel ar Mor (fête de la mer). En 1981, en rade de Brest, l'association An Test, (le témoin), entreprend le sauvetage et la restauration d'une grande gabare  la Notre-Dame de Rumengol, puis d'un sloup coquillier la Bergère de Domrémy. Dans la mouvance de la revue le Chasse-marée, un vif intérêt s'éveille pour le patrimoine maritime, chaque port veut avoir son "navire du patrimoine", des fêtes de la mer sont improvisées au début, Camaret, Pors-Beac'h (Logonna-Daoulas),  pour se structurer et aboutir à la grande manifestation internationale de Brest 1992.
Gouel ar Mor, festival de la tradition maritime au Conquet, s'est située dans cette trajectoire. Trois éditions se sont succédées, 1985, 1987 et 1990. Et il a fallu s'arrêter là, après de brillants succès populaires et financiers les deux premières années, trop de fêtes de la mer sur les côtes du Finistère ont dispersé les bateaux et l'intérêt du public s'est atténué, les organisateurs ne pouvaient plus équilibrer les comptes.
Enfin pour ceux qui ont eu la chance d'y participer, ce furent de belles journées maritimes et musicales.


Le public sur le quai du Drellac'h et à bord du Nd de Rumengol pendant un match de hand-ball nautique. (Photo Studio Claude).


Fête annuelle du sauvetage en mer.

Elle est organisée depuis plusieurs années par le comité local de la Société Nationale de Sauvetage en mer (SNSM) et prend place le 3e dimanche de juillet. (Donc ce sera le 19 juillet 2009)

Article en construction je vais y revenir très bientôt.   JPC
 




Partager cet article
Repost0

commentaires

P
<br /> Bravo pour votre blog que j'ai parcouru avec un peu d'émotion et de nostalgie, du fonds de mon canapé dans les Hauts de seine : j'ai passé bcp de vacances d'été au conquet chez mon grand-père<br /> (Jean-Baptiste Le Goaster) jusqu'à l'âge de 14 ans (j'en ai 46 ...); je me suis remémoré des épisodes de l'histoire de la ville et de la famille ; mon frère généalogiste sera sûrement lui aussi<br /> passionné par vos nbx et très intérssants articles<br /> bonne soirée et merci<br /> Philippe<br /> <br /> <br />
Répondre